Qu’il couche des rimes sur un beat ou qu’il tienne une simple conversation, le rappeur Lary Kidd mesure sans cesse le poids des mots. Tantôt pointus et truffés de références savantes, tantôt baveux, voire vulgaires, ses textes sont remplis de contradictions. En 2021, l’artiste a exposé ces différents aspects de sa personnalité sur deux projets qu’il a réalisés en marge de ses activités comme PDG de la ligne de vêtements Officiel. « Mettons que je me suis pas tourné les pouces cette année! » confirme-t-il en entrevue à Apple Music. Lancé à l’été, le EP Le poids des livres lui a permis de satisfaire ses ambitions intellectuelles avec des rimes touffues et taillées avec soin. Quelques mois plus tard, juste à temps pour son anniversaire, il nous offre Vulgaire démonstration d’ignorance, dont le titre, un clin d’œil à un célèbre album du groupe métal Pantera, témoigne d’une approche plus décontractée. Lary a beau décrire ces deux projets comme des « créations de pandémie », il ne s’agit pas pour autant d’œuvres mineures ni oubliables. « Ça veut pas dire que c’est botché », précise-t-il. « Chacun a une identité musicale propre. Avec Ajust, qui a produit Le poids des livres, je travaille de façon chirurgicale. Ce projet-ci est plus organique, plus lousse. » Cette fois-ci, Ajust agit à titre d’ingénieur du son, laissant une partie de la production à Ruffsound et la création des beats au jeune Stack Moolah. D’autres camarades de la première heure se joignent au rappeur, à commencer par Loud sur « 3 saisons ». On peut aussi entendre de nouvelles voix, comme MikeZup et Le Ice, s’ajouter à 20Some et Imposs. « J’ai une belle tribune et je trouve ça important de mettre certains artistes de l’avant. Pas parce que je suis tellement plus populaire qu’un gars comme MikeZup, mais parce que c’est l’fun de partager nos fans. » Avec son approche un brin rétro qui s’appuie sur de nombreux échantillons, Vulgaire démonstration d’ignorance nous replonge dans l’ambiance des années 90, mais avec une texture contemporaine. « L’idée, c’était d’avoir du plaisir sans avoir à s’attacher à un concept dominant; on est presque dans le freestyle », explique Lary. Découvrez-le à votre rythme, pièce par pièce, en compagnie de son prolifique créateur. Big Fax « C’est une des deux pièces où je suis seul et elle s’est faite de manière très organique, comme le reste de l’album d’ailleurs. J’ai reçu le beat de Stack en matinée et à midi j’avais presque fini le texte. J’avais envie de ce genre de chanson là depuis longtemps : pas de flaflas, un ton sincère qui parle de moi et de différents aspects de ma vie et de ma carrière de façon simple et directe. Je trouve que l’échantillon vocal, qui a quelque chose d’un peu tristounet, me correspond parfaitement. » BBS (feat. Ice) « Celle-là fait un énorme contraste musical avec la toune précédente, et c’est exactement ça qu’on voulait pour la deuxième chanson. Je sais pas trop comment la décrire, sinon qu’elle cogne. Le Ice m’impressionnait vraiment quand il faisait partie du collectif Canicule. J’adore sa manière de jouer avec les accents québécois et haïtien en les exacerbant. D’habitude il rappe sur des beats plutôt trap. J’étais content de le plonger dans un autre univers avec un rythme old school qui rappelle l’époque de 36 Chambers de Wu-Tang Clan. » 3 saisons (feat. Loud & 20Some) « Loud et moi, on venait juste de participer à la chanson “Hommes de lettres” de 20Some. On avait tellement tripé qu’on s’est dit qu’il fallait tout de suite faire autre chose ensemble. C’est le genre de rap qui est le plus plaisant à faire : la seule intention, c’est d’avoir une bonne énergie pis d’essayer d’être le meilleur sur un rythme de 85 BPM et un échantillon d’une seule note qui joue pendant trois minutes. La ligne “je ne suis pas woke, je suis supérieur moralement” n’a rien à voir avec les déclarations de François Legault sur le wokisme. En fait, elle vient d’une réflexion sur l’œuvre d’Orwell que j’ai lue dans la revue Philosophie. C’est un peu ça, le style Lary Kidd : parfois vulgaire, parfois réfléchi. » Les chandeliers (feat. MikeZup) « J’ai rencontré MikeZup à un show de Loud à Québec, et ç’a vraiment cliqué entre nous. Son gérant m’avait déjà dit en passant qu’il serait super intéressé à collaborer avec moi. Quand j’ai reçu le beat de Stack, j’ai su qu’on avait la bonne toune pour le faire. On a ajouté de la grosse batterie trap faite exprès pour lui, mais on a fini par l’épurer dans la version finale. La chanson a donc deux rythmes distincts : Mike rappe huit mesures sur un échantillon avant que le gros beat embarque. J’avais un texte un peu dur qui abordait des enjeux sociaux. Je me suis dit que Mike, qui injecte souvent beaucoup d’humanité à son approche street, serait le gars idéal pour se coller à mon texte. » A New Day (feat. Imposs) « J’ai attaqué ce beat-là très spontanément, presque à la manière d’un freestyle, en alignant des phrases qui parlent de tout et de rien, pleines de jeux de mots et de doubles sens. C’est une toune le fun où je m’amuse... je me permets même de chantonner, un truc que je fais pas dans la vie! Mais quand j’ai entendu le couplet d’Imposs, je suis tombé en bas de ma chaise. Il m’a littéralement botté le cul sur ma propre chanson, et je trouve ça formidable! Je suis tellement heureux d’avoir pu travailler avec un des gars qui m’ont inspiré à faire du rap et de pouvoir le compter parmi mes amis! » Drum Loop Outro « Dans cette pièce-là, je réfléchis à certains événements de ma jeunesse et j’expose ma vision de la réussite, mais ça reste un texte assez freestyle. C’est un peu vague, même pseudo profond, mais j’évoque des moments plus rough de mon adolescence et mes amis de l’époque. Y avait pas de doute sur sa place sur l’album : c’est vraiment une conclusion, qui s’achève sur la phrase “ces chansons n’étaient qu’un peu de poudre aux yeux sur le miroir de l’âme”. C’est un jeu de mots que je trouve cool et juste assez vague. »