Peu de pianistes pourraient, dans un programme de concert, associer la Sonate N° 18 de Beethoven à des œuvres de Glass, Kapustin, Ligeti et Scriabine. C’est pourtant précisément ce qu’a fait Yuja Wang lors de ce récital donné à Vienne le 20 avril 2022, et les résultats se révèlent fascinants. La technique souveraine de la pianiste chinoise confère une clarté magique aux lignes fluctuantes de l’Étude N° 6 (« Automne à Varsovie ») de Ligeti et une énergie scintillante et zigzagante, à son Étude N° 13 (« L’escalier du diable »). Une même sorcellerie alimente ses interprétations étincelantes du Jazz Préludes N° 10 de Kapustin et du « Lavapiés » de l’Iberia d'Albéniz. Cependant, ses réflexes formidablement aiguisés ne sont nulle part plus évidents que dans les tournures excentriques et les contrastes dynamiques tranchants de la Sonate pour piano N° 18 — parfois surnommée« La chasse » en raison de l’impétuosité de son finale — de Beethoven, qui sonne de manière incroyablement moderne dans l’interprétation de Wang. Une interprétation méditative de l’Intermezzo N° 3 en do dièse mineur de Brahms montre la facette poétique de Wang, et la « Mélodie » de l’opéra Orphée et Eurydice de Gluck offre une conclusion éthérée à cet album captivant.