Crown Lands

Crown Lands

Du point de vue de Kevin Comeau, guitariste de Crown Lands, sa formation évolue perpétuellement sur une mince ligne entre rock et prog. « On est continuellement tiraillés entre notre désir d’être un groupe prog rock et le constat que quand on commence à jouer, c’est le blues qui nous vient le plus facilement », confie-t-il à Apple Music. « Autrement dit, on est constamment ballottés entre réfléchir et ressentir. » Au fil de trois EP, le « power duo » d’Oshawa, en Ontario, a démontré qu’il est aussi intelligent que musclé et qu’il puise son inspiration autant dans les ambiances sismiques de Led Zeppelin que dans l’intelligence lyrique de Rush. Mais son amour du rock cosmique classique digne d’un spectacle de lasers est tempéré par son désir d’aborder les réalités du Canada d’aujourd’hui. Même son nom est une prise de position politique qui fait référence aux territoires contrôlés par le gouvernement canadien ou, en d’autres mots, dérobés aux peuples autochtones. Et bien que la voix à faire éclater le verre du chanteur et batteur Cody Bowles place celle de Robert Plant dans la même catégorie que Barry White, les salves rock psychédélique du groupe sont empreintes de l’héritage micmac du musicien et de sa double identité spirituelle. Enregistré à Nashville avec le producteur primé aux GRAMMY, Dave Cobb, le premier album de Crown Lands regorge du boogie atomique qui lui a valu d’être invité à assurer les premières parties d’artistes comme Jack White et Coheed and Cambria. Leurs riffs puissants sont autant de chevaux de Troie qui cachent leurs textes les plus engagés à ce jour, notamment sur « End Of The Road », une pièce épique inspirée par la tristement célèbre Highway of Tears (la route des larmes), en Colombie-Britannique, où d’innombrables femmes autochtones ont disparu ou été tuées au cours des 50 dernières années. Malgré ses musiques et ses textes conceptuellement grandioses, Crown Lands prône la simplicité, ce qui se traduit par un album de sept pièces totalisant 27 minutes. « Sept est un nombre spécial », explique Bowles. « Tous nos albums préférés – A Farewell to Kings et Moving Pictures, entre autres – comptent sept chansons, alors on a décidé de poursuivre cette tradition. » Bowles et Comeau nous proposent d’explorer Crown Lands pièce par pièce. Spit It Out Kevin Comeau : « C’est la première chanson qu’on a écrite pour cet album, immédiatement après notre tournée avec Jack White. On a été vraiment inspirés par Jack et sa prestance et on voulait rendre hommage à son influence. Peut-être que c’est parce qu’on est un duo, mais les gens nous disent tout le temps à quel point on leur rappelle les White Stripes. On a donc décidé, par espièglerie, d’y aller à fond et de rendre Jack fier de nous. Cody et moi on est des Canadiens très polis, et quand on s’engueule, on ne se crie jamais dessus, on... boude, ou quelque chose comme ça. Cette pièce, c’est comme un appel aux armes, un cri de ralliement pour sortir de notre tête et dire : “OK, si quelque chose ne va pas, parlons-en.” » Cody Bowles : « Ça parle des problèmes de communication dans n’importe quel type de relation. » River CB : « Là-dessus, on parle d’évasion, de fuir la situation actuelle et d’espérer des jours meilleurs. » KC : « On mélange des images de déesses avec la nature et tout ça – c’est notre monde idéal. On se réfugie souvent dans le bois. Cette chanson était très différente, au départ, et Dave Cobb l’a totalement réarrangée et rendue bien meilleure. J’adore le mellotron et les sonorités de guitare du résultat final. C’est un son beaucoup plus léché et scintillant que ce que j’aurais fait moi-même, et ça nous a vraiment ouvert les yeux. » Leadfoot CB : « On voulait quelque chose qui ressemble à du T. Rex avec celle-là. » KC : « J’ai reçu une contravention pour excès de vitesse durant une tournée il y a trois ou quatre ans. Je me fais une fierté d’être un conducteur très responsable et je me suis senti vraiment coupable. Au départ, on voulait que ce soit une sorte d’avertissement, mais on s’est dit que ce n’était pas assez rock & roll. Je ne sais pas trop comment on en est arrivés là, mais ç’a fini en chanson d’amour interstellaire. Est-ce que c’est une chanson d’amour qui parle d’extraterrestres? Je ne sais plus. » Howlin’ Back CB : « On pige dans le blues depuis qu’on joue de la musique et on y revient toujours chaque fois qu’on fait des sessions d’impro. Ça fait partie de notre subconscient et ça ressort sans arrêt. On écoutait beaucoup de blues quand on était jeunes. On a aussi été très influencés par la scène musicale d’Oshawa où on joue un type de blues très sombre et bizarre qu’on appelle du “blackgrass”. On s’est aussi inspirés de cette énergie qui nous habite quand on est assis autour d’un feu de camp et que quelqu’un raconte une histoire de peur et que tout le monde se demande s’il y a quelque chose de caché dans l’obscurité qui nous observe. T’as peur, tu te demandes c’est quoi et ton imagination part en cavale. » KC : « Y a des trucs occultes dans cette chanson, on fait allusion aux loups-garous. Ça me fait penser aux landes dans Le loup-garou de Londres. » End Of The Road CB : « On a d’abord écrit la musique de celle-là quand on faisait “Spit It Out” – c’est en quelque sorte parti de cette chanson-là. On écoutait le balado Thunder Bay [de Canadaland] et ça expliquait que c’est l’endroit le plus dangereux au Canada si t’es autochtone. Ensuite, on a lu plein de trucs sur la route des larmes en Colombie-Britannique, et c’est là qu’on a décidé que ce serait le sujet de cette chanson, et tout s’est mis en place. C’était un heureux hasard. » KC : « C’est un appel à l’action où on dit essentiellement : “Voici ce qui se passe, c’est vrai, et on veut retrouver ces femmes.” Tant qu’à faire de la musique, parle de trucs qui comptent vraiment et défends les gens – c’est ça l’objectif. C’est notre devoir en tant qu’artistes de parler du monde dans lequel on vit et d’ouvrir les yeux des gens. On a fondé ce groupe dans ce but – on s’appelle Crown Lands, après tout. Ça tombait sous le sens de parler de ça quand on lisait au sujet de la route des larmes, l’an dernier. » Forest Song KC : « On a écrit ça au chalet d’un de nos amis, et à un certain moment, on a regardé par la fenêtre et il y avait un chevreuil dehors. C’était magique. On s’est demandé quelles seraient les paroles les plus stéréotypées que Crown Lands pourrait écrire. Quelques heures après, on avait tout le texte. C’est un autre bel exemple du travail de réarrangement et de réharmonisation de Dave, qui a en plus ajouté quelques astuces vraiment cool, comme varier la vitesse de la batterie pour lui donner un son à la Bonham. » Sun Dance CB : « On voulait inclure une pièce acoustique sur l’album, et pendant une de nos improvisations, celle-ci est arrivée de nulle part. Elle parle de vulnérabilité, d’amour et de toutes ces belles choses qu’on n’aborde pas vraiment dans nos chansons habituellement. C’est notre petit moment quétaine. » KC : « Il y a quand même des allusions apocalyptiques dans cette pièce, c’est pour ça que je l’aime beaucoup : c’est un peu comme une ballade, mais il y a aussi une étrange noirceur qui plane au-dessus d’elle. Je ne veux jamais qu’un album de Crown Lands contienne une pièce qui soit purement une chanson d’amour. Ça nuirait à la musique. »

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