Émerik St-Cyr Labbé est un homme comblé. Sur Fleur de l’Âge, la troisième parution de son groupe, Mon Doux Saigneur, il ose même explorer des contrées ensoleillées après deux albums de folk alternatif plutôt lunaires. « Je voulais vraiment faire quelque chose de différent, de plus rythmé et, surtout, de plus joyeux », explique-t-il à Apple Music. Dès le début du processus de création, cette intention s’est vite imposée. La tournée du projet précédent, Horizon, ayant été freinée par la pandémie, il a décidé de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Il a trouvé l’amour et l’inspiration, ouvert les volets et laissé entrer la lumière dans son univers. En compagnie de ses musiciens, il a eu envie de traduire ce bonheur dans des morceaux qui célèbrent aussi le plaisir de jouer. « La musique m’a vraiment permis de connecter avec les autres, de développer ma sociabilité, dit-il. Et la communauté d’artistes est tellement riche; je me considère chanceux d’en faire partie. » Habitué à une démarche plus cérébrale, il parle aujourd’hui volontiers de son art en général – et de son groove folk en particulier – en termes physiques. « J’ai surtout acquis une certaine maturité. Je me fais plus confiance, j’ai moins peur du ridicule. Je sens que je peux enfin me lâcher lousse et laisser la musique faire son chemin. » Il parle avec passion de son envie de reprendre la route pour échanger avec le public. « J’ai encore de la difficulté à ouvrir les yeux quand je chante, mais je suis persuadé que je vais sourire pas mal plus souvent en jouant ces nouvelles chansons. ». En attendant de les présenter en spectacle, Émerik St-Cyr Labbé nous guide à travers les pièces de Fleur de l’Âge. Art vivant « J’aime l’idée de commencer un album avec une chanson différente du reste et c’est pour ça qu’on l’a placée au début. Il y a quelque chose de plus explosif dans cette pièce, en particulier dans ma manière de chanter. C’est moins chuchoté ou soufflé qu’à l’habitude, ça vient plutôt du ventre. Le titre a l’air un peu prétentieux et je ne parle même pas directement d’art vivant dans les paroles, mais quand je dis “on s’est ratés, viens donc nous voir” dans le refrain, je le sens comme une célébration de la musique “live”. Je suis tellement content de pouvoir assister à nouveau à des shows! » Vieux garçons « C’est une chanson qui est sortie presque toute seule, comme si c’était notre mémoire musculaire qui nous avait amenés à la jouer. C’est une espèce de blues rock qui avance vers l’avant et qui rappelle un peu les Stones, un truc qui nous est familier. Pareil pour le texte : j’avais envie de parler de nous, les gars du band, quitte à ce que ça semble un peu “inside”. C’est devenu notre préférée à jouer, notre hymne, et on a tous un petit sourire complice quand on la joue. Je pense qu’elle résume parfaitement l’esprit de Mon Doux Saigneur. » Flou « Le titre est bien choisi parce qu’elle a quelque chose d’abstrait. Je pense que j’ai réalisé de quoi parlait cette pièce seulement en la finissant : il y a un peu de colère et de hargne dans ce texte, qui traite de la difficulté des artistes à obtenir un minimum de reconnaissance. Bizarrement, leur condition est un thème récurrent dans l’album. Mais ce n’est pas déprimant : il est surtout question de résilience et de passion pour la musique, et je voulais rendre hommage à tous les travailleurs et à toutes les travailleuses de la chanson. » Shoegaze « Celle-là a commencé avec le drum, ce qui est inusité pour nous. On avait envie de ce genre de rythme un peu répétitif, le son “motorik” du krautrock, qu’on retrouve chez certains groupes comme Corridor. Si elle s’appelle “Shoegaze”, ce n’est pas en référence au genre musical; c’est juste un lien avec le refrain, dans lequel je dis “checke mes running shoes”. La plupart des gens qui l’ont entendue remarquent qu’elle est différente de ce qu’on a l’habitude de faire, mais l’apprécient et comprennent notre envie d’aller ailleurs, ce qui est la plus belle réaction qu’on peut recevoir. » Je t’aime « Parce que je n’ai jamais vraiment exploré le sentiment amoureux de front, je voulais écrire le plus simplement possible. Les images et les lieux, par exemple : la fenêtre, la galerie, la cuisine... c’est le petit monde dans lequel on vivait pendant le confinement. J’ai voulu exprimer la béatitude que j’ai ressentie avec ma blonde durant cette période. C’est comme une décharge d’endorphines et une doudoune en même temps. Je n’étais pas sûr de vouloir chanter les mots “je t’aime”, mais à la toute fin de la chanson, je trouvais que ça faisait un bel atterrissage. Et puis ça fait tellement de bien à dire! » Fleur de l’Âge « Honnêtement, elle a donné son titre à l’album avant même qu’on finisse l’enregistrement et on n’a pas trouvé mieux! Je voulais jouer un peu avec l’expression; il n’est pas question d’un chiffre. C’est pour ça que j’ai mis une majuscule à “Âge”, je parle plutôt de l’époque en faisant un petit jeu de mots, à la Mon Doux Saigneur. C’est ouvert, large comme idée et ça colle bien au ton de l’ensemble. » Jojo « Comme ça nous arrive souvent, on s’est simplement fait aller les mains et on a accouché d’une rythmique qui rappelle John Prine, un artiste américain qu’on adore. Le titre de travail était “Jojo Blues”, qui était un peu un clin d’œil à notre batteur, qui, avant la pandémie, jouait souvent avec des bands de blues au Bistro à Jojo. Ça parle de tournée, de partys, de célébrations et du simple bonheur de jouer. C’est une espèce de mise en abyme : on fait une chanson qui parle de faire de la musique. » Mélodie « Normalement, j’écris à la guitare, mais celle-là a été créée sur un clavier, et je tiens à préciser que je ne suis pas bon avec cet instrument. Au départ, elle ressemblait vraiment à une comptine pour enfants, et on a mis beaucoup de travail avant d’arriver à la version finale. C’est fou comme les arrangements peuvent transformer une chanson. Il y a un côté dansant, style années 80 qui me fait penser à The Police. Ça parle de ma rencontre avec mon amoureuse, qui s’appelle vraiment Mélodie, et l’occasion était trop belle d’utiliser le double sens de son nom. » Clou « On l’a créée en studio, et quand on a décidé qu’on avait quelque chose qui ressemblait à une chanson, j’ai commencé les paroles. Elle s’appelle “Clou” parce que c’est la dernière qu’on a composée; on avait décidé d’avance qu’on s’arrêterait à 10 morceaux. Je me pose la question : qu’est-ce qu’on fait une fois qu’on a trouvé ce qu’on cherchait, qu’on est comblé·e? Est-ce qu’on va trouver autre chose pour nous faire triper? Mon batteur me dit que c’est la meilleure pièce que j’ai jamais écrite. J’y sens une certaine maturité; j’ai l’impression d’être à l’époque de Beau Dommage, même si c’est une période que je n’ai pas connue. Je pense avoir réussi à me mettre dans la peau d’une version plus âgée de moi-même. » Rodeo « C’est une des premières que j’ai composées, mais elle n’a pas tout de suite trouvé sa place dans le projet. En fait, on a essayé toutes sortes de configurations et on a fini par se dire qu’elle devait se trouver à la fin. Puis je me suis rendu compte que la phrase “Où t’étais passé, dis-moi t’es rendu où” se retrouvait aussi dans “Art vivant” (“Où t’es passé, tu m’as manqué”), alors ça bouclait la boucle. J’ai pensé à The Suburbs d’Arcade Fire, qui commence et finit avec des chansons qui s’appellent “The Suburbs”, et si tu l’écoutes en boucle, elles s’enchaînent parfaitement. Quand j’ai réalisé ça, je me suis dit : “Ça y est, on a notre album.” »
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