Emmanuelle

Emmanuelle

La nouvelle offrande de Rosie Valland fait écho à son prénom complet, Rose-Emmanuelle, ce qui en fait presque un album éponyme. Puisant aux films, à la pop et aux voix des divas qui ont accompagné son adolescence, Emmanuelle marque un retour aux sources et ouvre un nouveau chapitre dans la démarche de l’autrice-compositrice-interprète. « Plein de référents collectifs viennent des années 90 et du début des années 2000. C’était clair, très coloré, savoureux… C’est sûr que ça m’inspire », a raconté Valland à Apple Music. Nourrie de souvenirs, son écriture, pendant la pandémie, était aussi tournée vers l’avenir. « J’avais l’espoir qu’on allait s’en sortir et je sentais qu’on aurait besoin de lumière. Je voulais des rythmes soutenus, quelque chose de dansant qui allait faire du bien, à moi et aux autres. » Infusé de liberté et coproduit avec Frédéric Levac, son compagnon en musique comme dans la vie, l’album de Valland porte sa vision, sans compromis. « Finalement, c’est ça vieillir. On défriche des affaires, on s’affranchit et à chaque fois, on exprime une nouvelle vérité », constate l’artiste qui nous présente le résultat, pièce par pièce. Une pause « J’avais envie d’écrire une chanson d’amour. Pour moi, quand tu aimes au point de vouloir prendre une partie de la douleur de l’autre, et trouver ça tellement injuste que ces affaires-là ne se partagent pas, c’est l’amour “ultime”. On aurait pu avoir le réflexe de mettre cette pièce en dernier. Je trouvais ça très “bold” de commencer a cappella. Mais comme ma voix est le liant de chaque morceau, ça installait ma vision de l’album : ça va être ma voix, c’est ça mon instrument, c’est ça ma force. » Tour à tour « J’avais noté avec mon copain qu’on avait tendance à se raconter souvent nos débuts, à ne voir que le beau dans notre histoire. Mais on fait ça un peu avec tout : on se rappelle les bons moments et on veut oublier les plus sombres. La chanson évoque ce sentiment-là de jouer un peu avec la vérité, parfois. Et en fait ce n’est pas nécessairement mauvais, c’est comme “danser devant la pluie” et faire comme si de rien n’était, en se racontant nos beaux jours. » Attiser le dilemme « C’est un peu ma façon à moi de dire “moi aussi”, au moment de l’anniversaire de ce mouvement-là, qui a changé ma vie. Avant, je pensais que les agressions sexuelles suivaient un seul scénario, un viol dans une ruelle par exemple. Lire des témoignages qui expliquaient aussi les abus de pouvoir et m’y reconnaître à tellement de moments m’a fait réaliser qu’il y a des événements que j’avais minimisés. J’ai vécu des choses comme ça dans mon parcours musical. Cette chanson-là est donc une manière de parler de ça; c’est ma seule manière de parler de ça, en fait. Je voulais souligner la force des femmes [du mouvement #MoiAussi], que j’appelle les reines, et les remercier pour ce que ça m’a amené dans ma vie intime. Oui, il y a eu l’aspect public, mais je crois que ce mouvement-là a aussi changé plein de rapports humains, qu’il a provoqué plein de discussions, dans plein de sphères. » 10/03, 02/21 et 09/19 « L’album est pop, mais je ne voulais pas qu’on ait le sentiment de se trouver devant une suite de simples. J’avais envie qu’il s’écoute de A à Z et que ça coule bien. Et comme je viens d’un milieu très mélomane, j’ai pensé à mettre des interludes. Chaque titre est en fait une date associée à un moment de ma vie. La première est liée à Jeux d’enfants, un film français que j’ai regardé en boucle quand j’étais jeune. Ça raconte une histoire impossible à la Roméo et Juliette, qui a été importante dans ma conception de l’amour. » Exil « J’ai composé celle-là à Kamouraska, pendant une semaine où je m’étais loué une mini-maison. On dirait que, physiquement, l’espace a réveillé des choses, ça m’a fait du bien. Ça fait cinq, six ans que j’habite avec mon copain en campagne, dans une grande maison. En me retrouvant dans un endroit aussi petit que mon premier appartement, un minuscule deux et demie dans Villeray où j’ai vécu seule et que j’ai adoré, j’ai repensé à mon parcours des dernières années. C’est une chanson d’amour, mais qui fait un clin d’œil au chemin que j’ai fait. Il y a cet ennui-là de l’autre, mais aussi cet ennui de soi. » Non merci « À première vue, ça peut parler de “mansplaining”, mais je ne voulais pas seulement traiter des rapports homme-femme. Quand quelqu’un te fait sentir que t’es inférieure, comme si tu ne savais pas ce que tu fais, c’est très frustrant, indépendamment du sexe, mais ça m’est arrivé quelques fois comme femme, en musique. C’est un sentiment auquel je suis vraiment allergique. C’est ma pièce baveuse, ce que je souhaiterais dire aux gens qui m’ont fait sentir comme ça. Musicalement, je trouvais ça l’fun de composer quelque chose de dansant et de transformer ces moments-là en quelque chose qui fait du bien. Sur mes autres albums, il y avait des morceaux plus pop, mais jamais de manière trop marquée ou assumée. Ça venait un peu des personnes avec qui je travaillais qui n’étaient pas de ce monde-là. Je crois que j’ai mis de côté ma voix pendant des années. Ce n’est pas ce que je protégeais dans mes chansons, c’était souvent ce qu’on faisait en dernier, mais j’ai toujours rêvé d’être une chanteuse, pas d’être une musicienne indie. Je reviens à ce qui était mon moteur au départ. » Mantra « Ça fait écho à “Une pause”, à cette volonté de vouloir prendre soin de l’autre. Ce qui ressort aussi dans les paroles, c’est l’épuisement qui s’installe, parce que tu ne peux pas vouloir plus que la personne que tu aides. Je n’ai pas d’enfant, mais je trouvais ça beau cette idée de regarder quelqu’un dormir, parce que quand on dort on est tellement vulnérable, et celui ou celle qui regarde veut que l’autre personne se repose et que tout soit parfait. » Ici-bas « Comme bien des femmes, j’ai des flux hormonaux au cours du mois, ce qui fait qu’il y a des moments où je vais très très “deep”. Mais je m’en sors toujours, je me lève un matin et ça va mieux. La chanson parle de ce moment, quand tu vas pas bien, où tu finis par voir un petit éclat de positif et que tu veux t’accrocher à ça. C’est aussi pour souligner la force qu’on a collectivement. Juste vivre et passer à travers, parfois, c’est assez. » Une fin féconde « L’écoanxiété est quelque chose qui m’habite. C’est dur d’avoir confiance en l’avenir, d’avoir des rêves. “Une fin féconde”, pour moi, c’est que clairement, il va devoir y avoir une fin à cette espèce de croissance éternelle, mais j’ai le souhait qu’après, il arrive quelque chose de beau, que ce ne soit pas juste une fin apocalyptique. Chaque génération porte ses fins du monde, mais cherche à changer les choses, et j’aime penser que c’est une volonté qui se répète. »

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