I Love You, I’m Trying

I Love You, I’m Trying

La musique créée par Jordan Benjamin sous le nom de grandson a toujours eu des airs de reportage en direct de la fin de la civilisation telle qu’on la connaît. Riffs dignes d’un mosh pit, beats trap, bruits industriels et textes incendiaires sont autant d’éléments de ses chansons qui rappellent une bombe artisanale. Mais voilà : sur son deuxième album, ce chaos est majoritairement confiné à son esprit. Comme le titre le suggère assez clairement, I Love You, I’m Trying est le fruit d’un travail d’introspection empreint de vulnérabilité, beaucoup plus que Death Of An Optimist, qui était une réaction à la pandémie. Sur ce nouveau projet, Benjamin confesse ses problèmes de dépendance à diverses substances et aux réseaux sociaux, son insécurité professionnelle et même ses idées suicidaires passées. « Pour moi, cet album est d’abord et avant tout un aveu que j’ai des problèmes de santé mentale depuis un certain temps et que j’essayais de les fuir ou de les enfouir », a-t-il confié à Apple Music. « Il fallait que j’en parle le plus directement et le plus crûment possible. » Partager ses idées noires avec ses fans a été un processus thérapeutique sain qui a débouché sur une vie plus heureuse. « Je fais partie des personnes chanceuses », a-t-il dit. « J’ai trouvé une façon de prendre ces petites chansons que j’écris et de les transformer en connexions qui vont durer toute une vie avec des gens partout dans le monde. » Voici son programme en 12 étapes pour arriver à la paix intérieure. Two Along Their Way « L’enregistrement principal que vous entendez, c’est mon père quand il avait mon âge. Il était sous contrat avec une maison de disques, mais celle-ci a été rachetée par une autre et son album n’est jamais sorti. C’est une belle chanson de peine d’amour et de nostalgie du passé. Je l’ai remise en contexte avec l’aide d’un producteur afin de lui donner un deuxième souffle, et j’ai demandé à ma partenaire et blonde Wafia d’y ajouter quelques harmonies – elle chante sur tout le projet. L’idée, c’était de créer une petite fantaisie où on regarde derrière nous tout en allant de l’avant. » Eulogy « Celle-là parle de l’impression d’être submergé·e que moi et plein de monde on ressent maintenant que les nouvelles de la planète entière arrivent au même endroit. Des fois, je fais défiler les actualités sur mon téléphone et je passe d’une épouvantable histoire de brutalité policière à une autre à propos d’un couple qui a fait le tour du monde en 45 jours avec juste deux sacs à dos. Tout ça finit par culminer dans un fantasme où tu voudrais juste décrocher complètement de tout ça. » Something to Hide « Ici, j’explore ma relation très personnelle avec les thèmes que j’aborde dans ma musique, que ce soit la dépendance, la santé mentale, les troubles de l’alimentation ou les idées suicidaires. Comme bien des gens, ma famille a l’air heureuse et en santé, mais toutes les familles vivent ce genre de choses. Étant le benjamin, c’est toujours moi le clown qui détend l’atmosphère pour maintenir la paix, et je pense que c’est de là que vient mon désir de me donner en spectacle. Une fois, on était en plein souper de famille très malaisant parce que tout le monde essayait d’éviter LE sujet. C’est ça qui a inspiré ce morceau. » Drones « La phrase clé dans celle-là, c’est “Just tell me one good lie” [librement : “Dis-moi juste un bon mensonge”]. On a tous et toutes nos secrets, et on a deux choix, en fin de compte. Soit tu fais la lumière dessus et tu vis sans anxiété et sans malaise, soit tu les réprimes par en dedans en remettant à demain le fait de devoir gérer les conséquences de ta décision. “Drones”, c’est comme quand une bombe explose au loin et que ton père te dit que c’est des feux d’artifice parce qu’il veut te protéger un peu plus longtemps de notre monde parfois impitoyable. » I Love You, I’m Trying « Tout ce que je voulais, c’est que les choses soient simples, mais j’y arrivais pas, parce que gérer sa santé mentale au milieu de toutes les tentations qu’il y a dans un autobus de tournée, c’est pas évident. En plus, les relations à distance, c’est super difficile. Que tu aies ou non vécu la même chose que moi, tu peux quand même comprendre ce sentiment de désespoir : je veux vraiment être là pour toi et je fais de mon mieux, mais j’en ai vraiment par-dessus la tête en ce moment. » Half My Heart « Celle-là parle de tomber en miettes et de devoir se reconstruire encore et encore : au final, c’est à toi que tu fais mal chaque fois que tu piques une crise. Quand j’ai envie de “pitcher” une assiette dans le mur, il faut aussi que je réalise qu’éventuellement, c’est moi qui vais devoir la ramasser. C’est ici, sur cet album, que je me pose enfin la question : est-ce que c’est productif? Et si ça l’est pas, ça donne quoi de s’énerver autant à propos de tout ce qui se passe dans le monde si t’as pas l’intention de lever le petit doigt pour que ça change? » When the Bomb Goes « J’ai ma propre relation avec la dépendance à certaines substances et, honnêtement, ça marche pour moi jusqu’à maintenant – je touche du bois! Surtout en tournée, j’ai l’impression qu’une grosse pression s’accumule en dedans de moi, et une des façons que j’ai de me libérer de cette tension, c’est de me saouler jusqu’à ce que je fasse un blackout et que je foute la merde. Y a plein de soirées comme ça où je me souviens de presque rien. C’est sûr que c’est pas super le lendemain, mais il y a une certaine lucidité qui vient avec le fait d’avoir vraiment super mal aux cheveux pendant que j’essaie de trouver mon portefeuille et que mon cell n’a plus de batterie. » Enough « Dans les couplets, j’ai un genre de dialogue avec moi-même. Wafia chante ma voix intérieure qui dit “ce party est plate” pendant qu’à haute voix, je crie “j’ai vraiment du fun”. La question de fond de ce morceau, c’est : si je ne deviens pas dès maintenant la personne que j’ai vraiment envie d’être, que je ne fais pas l’album que j’ai envie de faire et que je ne vis pas la vie que j’ai envie de vivre, quand est-ce que je vais le faire? Je vois cette chanson comme un cri de ralliement pour qu’on passe à l’action dans nos vies personnelles. » Murderer « Ça, c’est un hommage très exagéré aux morceaux hip-hop narratifs dans le genre de “Stan” d’Eminem. Je voulais raconter l’histoire d’un “one-hit wonder” qui perd la tête. Il fallait aussi que ce soit en lien avec ma vie à moi pour exprimer un sentiment d’urgence. Heureusement, c’est pas basé sur un fait vécu, mais c’est sûr qu’il y a un fond de vérité par rapport à la frustration que j’ai ressentie pendant la pandémie et qui ressort dans cette explosion pop punk qui manque énormément d’originalité. Bref, j’avais envie de faire quelque chose d’amusant qui brasse la cage un brin. » I Will Be Here When You’re Ready To Wake Up (feat. Wafia) « Au beau milieu de toute la tourmente dans ma vie, de tous mes fantasmes d’annihilation, j’ai quand même eu la chance d’avoir une belle relation amoureuse. Je crois qu’on a tous et toutes dans notre vie une personne qui serait vraiment triste qu’on parte, ou qui sera là de l’autre côté des épisodes où on souffre beaucoup. J’ai eu envie de vous offrir cette sorte de berceuse rassurante qui dit à quel point je suis chanceux d’en avoir une, alors que d’autres n’en ont pas. » Heather « Une des choses qui aident vraiment à sortir de sa tête, c’est de devoir être là pour quelqu’un d’autre; ça te fait réaliser que t’es pas le centre de l’univers. J’ai plein de fans depuis plusieurs années et, des fois, il y en a qui évoluent et passent à autre chose. Avant, ils ou elles me textaient tous les jours et tout d’un coup, je me surprends à me demander ce qui leur arrive. “Heather” parle d’une fan qui s’est suicidée et est une promesse que je me fais et que je fais à ces fans que pour le reste de ma carrière et à mesure qu’on avance dans la vie, on va toujours être là les un·es pour les autres. » Stuck Here With Me « Sur “Stuck Here With Me”, je pose la question : “Si on a juste une vie à vivre, vas-tu vraiment gaspiller la tienne à avoir envie d’être quelqu’un d’autre?” Au final, j’ai tellement de raisons d’être reconnaissant, et ma vie vaut la peine d’être vécue. On a combiné plein d’expériences humaines – rire, pleurer, baiser – et on les a transformées en immense chorale de centaines de voix qui te crient dessus et qui culmine avec une grosse libération cathartique et moi qui pleure. Ça se résume à ça : tu te ressaisis, tu sèches tes larmes et tu vas te coucher, puis tu recommences le lendemain. C’est ça, mon deuxième album. »

Choisissez un pays ou une région

Afrique, Moyen‑Orient et Inde

Asie‑Pacifique

Europe

Amérique latine et Caraïbes

États‑Unis et Canada