Away Is Mine

Away Is Mine

Après avoir révélé son diagnostic de cancer du cerveau en phase terminale en 2016, Gord Downie a passé la dernière année de sa vie à accomplir des actions d’une immense générosité. Cet été-là, il a offert aux fans de son groupe, The Tragically Hip, une émouvante tournée d’adieu à travers le Canada qui l’a fait entrer dans la légende du rock national. Peu après, il a prêté sa voix à la cause autochtone avec son projet Secret Path. Et sur le double album Introduce Yerself – sorti une semaine après sa mort, en octobre 2017 –, il a dédié une chanson à chacune des personnes qui comptaient pour lui, comme pour leur léguer un dernier souvenir. Mais ce n’est pas tout : l’artiste a travaillé sur une autre offrande dans les mois précédant son décès – mais pour lui-même, cette fois. Away Is Mine est né d’un exercice d’écriture au début de 2017, destiné à de potentiels mémoires, avant que Gord Downie décide de consacrer son énergie limitée à faire ce qu’il aimait le plus : de la musique. Mais loin d’être un épilogue pompeux, l’album a été conçu comme une parenthèse récréative entre le chanteur et le guitariste de Skydiggers, Josh Finlayson (le fidèle acolyte de ses précédents albums solos), dans laquelle ils ont essayé de composer chaque pièce en accord ouvert de do, en s’inspirant de Nick Drake, Richie Havens ou Joni Mitchell. « J’enregistrais des idées avec mon téléphone, et il ajoutait des paroles et des mélodies dans GarageBand », raconte le guitariste. « Ç’aurait pu être ça, l’album. Tout simplement. Les chansons suivent l’ordre dans lequel elles ont été créées. » Mais Gord Downie a proposé de réenregistrer ces démos aux Bathhouse Studios des Hip, en donnant carte blanche au producteur Nyles Spencer pour peaufiner les pièces. « Gord savait d’instinct que Nyles pousserait tout ça beaucoup plus loin que nous », dit Finlayson. Achevé en tout juste quatre jours, Away Is Mine conserve son format compact d’origine et loge 10 pièces en moins de 30 minutes. Mais la production de Spencer déracine ces rêveries rock pour les faire flotter dans le cosmos, brouillant mystérieusement la frontière entre authenticité country et expérimentation ambient. « Cette impression que la voix de Gord nous vient de l’au-delà est quelque chose que Nyles avait en tête », explique le guitariste. Un caractère spectral amplifié par les versions acoustiques accompagnant l’album, qui réduisent les enregistrements aux pièces originales de Finlayson tout en gardant les effets de voix mystiques que Spencer a appliqués sur la version définitive. L’atmosphère fantomatique est contrebalancée par la légèreté des textes de Gord Downie qui, loin d’être obsédé par la mort, semble analyser son parcours – en tant que père et musicien – à la manière d’un anthropologue, comme pour démolir le mythe érigé autour du chanteur pendant le tour d’honneur des Hip. « I write about words/Try and make them sound like my thoughts of nature » (librement : “J’écris sur les mots/J’essaie de leur faire refléter mes pensées sur la nature”), chante-t-il dans la psychédélique « River Don’t Care » – une phrase dont il répète des variations à travers l’opus –, faisant passer le talent d’une légende du rock pour une simple vocation. « Je sais que pour certains, c’est un album difficile à écouter », confie Finlayson. « Mais sur le plan des paroles, je ne trouve pas qu’il est si sombre. Malgré l’épreuve que Gord traversait, je crois qu’il était reconnaissant; il pensait avoir vécu une belle vie et avoir été chanceux. Il y a de l’humour dans cet album, il y a de l’humilité, de l’espoir et un sentiment d’acceptation. »

Disque 1

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