Le pianiste français Emmanuel Despax estime que Après un rêve est l’album le plus personnel qu’il ait jamais réalisé. Composé d’œuvres de Poulenc, Debussy, Ravel et d’autres, il est dédié à la mémoire de son grand-père Jacques Charpentreau, poète et mentor qui a contribué à son épanouissement artistique. « Pour lui, c’était très important de connaître le contexte de toute forme artistique dans laquelle on s’inscrit », explique Despax à Apple Music Classical. « Il m’a encouragé très tôt à en apprendre le plus possible sur telle ou telle époque — ce qui se passait sur le plan artistique, économique, politique. Tout cela permet de mieux connaître la personnalité d’un compositeur. » L’époque abordée dans Après un rêve est celle de la « Belle Époque », un âge d’or dans la vie culturelle française qui s’est achevé avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914. « C’est un répertoire que j’ai toujours voulu enregistrer et qui se nourrit en grande partie de poésie », explique Despax. « Je discutais souvent avec mon grand-père des liens entre la poésie et la musique dans ces pièces. » Gaspard de la nuit de Ravel, une suite en trois mouvements basée sur des poèmes d’Aloysius Bertrand, est au cœur de l’album. Son finale « Scarbo », portrait d’un lutin maléfique, est réputé pour son extrême complexité technique. Mais Despax souligne que le délicat mouvement d’ouverture « Ondine » est tout aussi exigeant. « Il y a un magnifique effet de scintillement de l’eau sur la première page qui doit être joué très calmement, et c’est incroyablement difficile. Mais l’effet est fantastique, et je pense que Gaspard de la nuit est probablement la plus grande œuvre du XXe siècle. Son spectre expressif est tout simplement gigantesque — il est stupéfiant que Ravel ait réussi à repousser à ce point les limites du piano. » Si le statut de chef-d’œuvre de Gaspard est incontesté, les œuvres pour piano de Francis Poulenc, contemporain de Ravel, sont, selon Despax, encore relativement sous-estimées. Après un rêve inclut les Soirées de Nazelles de Poulenc, un ensemble de portraits fantasques chers à Despax. « L’une de mes plus grandes joies est de faire découvrir des œuvres moins connues », explique-t-il. « Et je pense que Poulenc est un compositeur merveilleux, très mal compris et critiqué pour ne pas être assez progressiste. » Soirées « a des mélodies incroyables », ajoute Despax. « Il n’y a pas de compositeur plus charmant, drôle et sarcastique que Poulenc. En tant que pianiste, je pense qu’il est de notre devoir de nous intéresser à des pépites moins jouées comme celle-ci. »