Grand voyage désorganisé

Grand voyage désorganisé

Si la création de ce quatrième album était prévue depuis un bon moment, le cours des événements a fait dévier les plans de Patrice Michaud, mais aussi sa démarche. « Je suis entré en studio avec mes musiciens en décembre 2019, sans tounes ni textes, juste avec des idées embryonnaires et une envie d’explorer. C’est la première fois que je procédais de cette façon », raconte-t-il à Apple Music. « Sans que ce soit planifié, on a établi les bases de ce Grand voyage désorganisé. » La suite réservait également bien des surprises à l’auteur-compositeur-interprète originaire de la Gaspésie, qui s’illustre sur la scène québécoise depuis plus d’une décennie et qui a animé les galas du dimanche de l’édition 2021 de Star Académie. Elle s’est en effet déroulée en confinement, alors que des centaines de kilomètres séparaient les collaborateurs qui ont dû travailler en mode virtuel. « C’est un album qui a eu plusieurs vies avant de voir le jour, et qui porte bien son nom. Je n’ai pas eu peur d’essayer des choses et d’aller plus loin que d’habitude, parce que je savais que naturellement, la démarche allait me ramener à ce que je suis fondamentalement », affirme celui qui a guidé son lumineux pop rock vers de nouvelles avenues. Il nous fait sillonner son univers en se posant sur chaque pièce de cette œuvre. 1977 « C’est un bon exemple des expérimentations musicales que j’ai faites. Tout part d’une loop de piano, comme ça se fait davantage dans les domaines de l’électro ou du hip-hop qu’en chanson. C’est la mélodie vocale qui donne sa structure à la toune. Je l’ai choisie pour ouvrir l’album parce que j’avais envie de quelque chose de lumineux et d’amoureux. Ça parle aussi d’un événement qui a un peu joué le rôle de fil conducteur du projet, soit le lancement des sondes spatiales Voyager 1 et 2 en 1977, qui me touche beaucoup pour ce qu’il évoque quant à nos existences ici-bas. » Vous êtes ici « Cette toune, c’est comme l’exercice de se regarder dans le miroir. Avec un sourire, je parle de tout ce qui m’énerve chez l’humain. Et évidemment, ce qui me tape le plus sur les nerfs chez les autres, c’est mes propres défauts. Sans être moralisateur, et avec humour, je traite de notre rapport à notre image, à notre bien-être, à notre confort. J’ai voulu en faire une sorte de “wake-up call” avec un refrain qui a de l’allant, qui se veut rassembleur, et des arrangements de cordes à l’avant-plan à la “Bitter Sweet Symphony” de The Verve. » Golden Record « On y revient, à cette fameuse quête spatiale. Ce que je trouve fascinant des sondes Voyager, c’est qu’elles contiennent des objets qui servent de carte de visite, comme une bouteille à la mer faite pour aller le plus loin possible. En tant qu’humains, ça nous ramène à notre petitesse. Cette toune devient un questionnement sur le rapport à l’autre, particulièrement ceux et celles qui ont du mal à s’ouvrir. C’est l’histoire d’une personne qui a beaucoup à donner, mais qui est incapable de parcourir le chemin vers l’autre. » La guerre de toi n’aura pas lieu « Ici, on tourne pas autour du pot : c’est une chanson difficile de rupture. Ou plutôt : d’arrêt avant le point de rupture ¬– il faut savoir se lâcher la main avant de se faire trop de mal. Je me rends compte que d’un album à l’autre, je préfère souvent dépeindre des constats d’échec que raconter des grandes peines d’amour. » Un cœur de baleine bleue « Pour moi, celle-ci est la grande sœur de “Golden Record”. C’est une longue ballade sur la solitude, sur les gens pour qui le désir d’aller vers l’autre est une quête difficile. C’est aussi un grand coup de sonde à l’intérieur de soi-même. Avec le piano à l’avant-plan, ça donne une ambiance mélancolique à la Father John Misty, que j’écoutais beaucoup à l’époque. La pièce bascule et tombe dans un groove très planant. » Je t’aime quand je mens « Dans cette pièce, je me questionne sur la notion de vérité dans une relation animée par les sentiments, qu’elle soit de nature familiale, amicale ou amoureuse. Quand c’est le cœur qui parle, parfois l’espèce de ligne entre le vrai et le faux peut être très floue. Tout n’est pas noir ou blanc. Musicalement, c’est très organique et à fleur de peau, avec des arrangements de cordes. » La grande évasion « C’est clairement une chanson qui avait envie de vivre très fort. C’est la première qui a été faite lors de notre séance en studio. Je crois que l’art constitue le dernier lieu d’impunité : on peut tout faire. Je voulais quelque chose d’un peu punk, à vif, qui irait droit au but. Cette toune, c’est la plus courte que j’ai jamais écrite. C’est Thelma et Louise : on va jusqu’au bout, jusqu’à la falaise. Dans son intensité, c’est l’exact opposé d’“Un cœur de baleine bleue”. » À qui l’aura « Au fur et à mesure que je sortais des tounes et des albums, je me suis mis à m’inquiéter, parce que j’avais l’impression de constamment écrire la même chose : l’histoire de deux personnages qui s’aiment, mais qui sont incapables de s’atteindre, qui sont dans un genre de “twilight zone” amoureuse. J’ai appris à vivre avec cette réalité créative, à arrêter de me battre contre elle, et cette chanson en est une autre déclinaison, mais dans un mode peut-être plus masculin. » Ok maman « Le point de départ de cette pièce se situe dans une église d’un tout petit village où je suis en spectacle. Dans une expo, je tombe sur une photo avec cette inscription : “Meurs après moi, je t’en prie.” Cette phrase de la poète Mélanie Noël m’a marqué au fer rouge et m’a inspiré cette chanson à propos d’une mère qui vieillit seule et isolée. » Origami « Cette pièce part carrément de mon collaborateur Julian, qui a créé cette mélodie de piano d’une incroyable limpidité; elle a été parfaite pour mettre à exécution le plan que j’avais depuis longtemps d’écrire une chanson sur l’amitié et le besoin de l’autre. Par son dépouillement et sa simplicité, la toune sert par ailleurs à faire respirer l’album. » Un point bleu pâle (feat. Rosalie Ayotte & Shayan Heidari) « Cette pièce fait référence à la photo “Pale Blue Dot” qui a été prise par Voyager 1 et qui, pendant des années, a représenté le point de vue le plus éloigné de la Terre, de notre existence qui ressemble à un infime grain de sable. Ça fait réfléchir sur notre place dans l’univers… J’y suis allé de mes petites définitions de la vie : c’est des enfants qui courent dans un champ pour que les oiseaux s’envolent, c’est s’embrasser dans la salle d’essayage en cachette. Ce point bleu pâle, c’est tous ces petits, grands et fulgurants moments. »

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