Descendant

Descendant

« La musique, pour moi, c’est ce qu’il y a de plus naturel », dit Jann Arden à Apple Music. Une déclaration qui réconfortera les fans en droit d’imaginer que la vedette pop avait définitivement tourné le dos à la chanson. Le 15e album studio de l’artiste canadienne sort quatre ans après son prédécesseur (These Are the Days, 2018) et, dans l’intervalle, la fierté de Springbank en Alberta s’est métamorphosée en véritable icône multimédia avec son propre balado, une série sur CTV dans le style de Curb Your Enthusiasm dont elle est la vedette (Jann), et un nouveau récit autobiographique paru en 2020, If I Knew Then. C’est d’ailleurs en fouillant le passé pour les besoins de ce livre qu’a germé l’idée de Descendant, une œuvre évoquant sans détour la mort de ses parents, d’anciennes relations amoureuses dysfonctionnelles et le lien spirituel qui la rattache à ses proches disparus. « Il est bon de se souvenir des générations précédentes », confie l’artiste. « J’ai su tout de suite que cet album refléterait la femme que je suis aujourd’hui, mais traiterait aussi de mes ancêtres et des moments difficiles qu’ils ont traversés. » Pour concrétiser son projet, elle s’est « entourée » sur Zoom de sa deuxième famille : ses collaborateurs de longue date Bob Rock, Russell Broom et Darcy Phillips, entre autres. Ensemble, ils font resurgir le passé tumultueux de la chanteuse en la poussant dans une myriade de directions musicales – disco rassembleur, glam rock, country rayonnant et expérimentations poétiques –, sans oublier de lui offrir plusieurs ballades à la guitare auxquelles sa puissante voix fait honneur. Jann Arden nous présente ici quelques pièces de son dernier-né musical, Descendant. Unbreakable « Russ m’a envoyé un super groove et une progression d’accords vraiment cool. Ça m’a donné le goût de faire une chanson pop. J’ai fait de gros efforts pour ne pas être trop ésotérique et créer un refrain simple qui rappellerait [le succès de 1994] “Insensitive”. Je trouvais que le mot “unbreakable” (“indestructible”) fonctionnait bien, c’est facile à retenir. Alors j’ai décidé de me mettre au travail et d’écrire cette chanson pop. Mais les choses ont un peu mal tourné, parce que le résultat est plutôt mélancolique. “Unbreakable” parle du moment typique où on se persuade qu’on va être correct [après une histoire d’amour]. En fait, ce qu’on doit comprendre, c’est : j’ai essayé d’être indestructible, mais je n’y suis pas vraiment arrivée. » Descendant « On a tous besoin de réconfort, alors on prend un verre, de la drogue ou on mange trop. Mais un jour, une révélation mystique nous fait réaliser qui on est, et pourquoi on fait certaines choses. J’ai perdu mes parents il n’y a pas si longtemps, mais tous ceux et celles qui étaient là avant moi me redonnent des forces aujourd’hui. J’ai essayé de parler de ça dans mes chansons. Mon arrière-grand-mère a eu 17 enfants et elle morte à 46 ou 47 ans, épuisée par toutes ces bouches à nourrir. J’ai très souvent pensé à elle et à ce qu’elle dirait en me voyant : une femme célibataire qui vit confortablement dans une maison entourée d’arbres, qui a un condo à Toronto, un chien, qui gagne bien sa vie, qui conduit sa voiture et qui ne dépend de personne. Je crois qu’elle serait très contente. » Was I Ever 13 « Je suis allée dans une toute petite école de 40 élèves à Springbank, on faisait des feux gigantesques dehors en buvant de la bière dégueulasse. Je me souviens vaguement que je voulais avoir un chum et que je pensais que personne ne s’intéresserait jamais à moi. Je me suis mise à écrire au sujet de ce désir qui nous habite quand on est jeune, dans une famille à problèmes – un de mes frères sniffait de l’essence, et le plus vieux purge une longue peine de prison. Mais j’adore l’atmosphère de cette chanson, la lente escalade. On dirait qu’on est au cinéma, un vendredi soir, et soudain, un interlude à la Tears for Fears avec des sons de synthé des années 70 nous amène ailleurs et nous remplit d’espoir. » Moonbow « Bob était sur Zoom, en direct de Maui, vers 6 h du matin. Il m’a joué quelques accords de guitare très mélodieux, et j’ai eu l’impression d’être à Laurel Canyon en 1967, comme si je venais de faire de l’acide et que je méditais en pleine canicule, dans une cour arrière. J’ai un verre à la main, j’observe un groupe d’êtres humains magnifiques, et je leur écris la plus merveilleuse des chansons d’amour, avec des licornes et des papillons. Je l’adore parce qu’elle est très loin de ce que j’écris d’habitude. C’est un flot de paroles. Je décris le feuillage aux reflets argentés, les ruisseaux et les oiseaux qui chantent. On dirait que j’ai pris de la drogue. Ça me fait sourire. » Loving You Is Like A Job « Je parle d’une relation qui s’est terminée il y a six ans, mais qui a duré dix ans. J’aimais l’ambiance de cette chanson, et je voulais conserver le joli motif de Darcy au piano, alors je me suis imaginée, toute seule, à l’époque où je jouais dans les bars et que personne ne m’écoutait. J’ai dit à Russ que je voulais intégrer des bruits de bouteilles et du brouhaha. On a passé en revue quelque chose comme 10 000 sons de bar sur Internet, mais bizarrement, l’échantillon que je préférais provenait d’un pub tenu par le père de la femme de Russ! Ce monsieur était probablement derrière le bar quand l’enregistrement a été fait. Russell m’a montré son avant-bras, il en avait la chair de poule. » Love Will Be Waiting « J’adore ABBA, mais vraiment sans bon sens. Bob n’arrêtait pas d’étoffer la pièce. J’ai chanté plusieurs parties, on a même ajouté trois superbes voix – Camille [Henderson], Saffron [Henderson] et Alisia [Lyne], qui ont déjà participé à plusieurs de mes albums. Ç’a donné cette espèce de déferlement vocal. La chanson a un rythme un peu disco, avec un refrain instrumental qui permet de crier les paroles sur la piste de danse. C’est une pièce le fun à chanter, mais avec un certain niveau de difficulté. C’est très haut perché. Je ne pense pas être capable de chanter plus aigu que ça. » Horse Country Girl « Là, j’ai dit à Bob : “Il faut que tu m’aides, parce que c’est vraiment une chanson bizarre.” Il m’a expliqué : “Je pensais à ma femme. Je voyage beaucoup – L.A., New York, Miami, l’Irlande –, et pendant ce temps, ma femme est chez nous avec les chevaux.” J’ai fait : “OK, j’ai compris : t’es l’astronaute, et elle t’attend à la maison.” C’est très certainement inspiré d’artistes comme David Bowie ou Queen, des auteurs de pièces rock hallucinantes qui racontent des trucs complètement fous. C’est la chanson la plus glam rock que j’ai écrite, et c’est une histoire inventée qui n’a rien à voir avec ma vie. » Pink « Il s’agit d’un poème que mon amie Wendy Williams Watt a écrit pour sa fille. Quand je l’ai lu, j’ai dit : “Wendy, je crois que je vais essayer d’en faire une chanson; il y a un côté tellement fantastique.” Ça parle de l’universalité de l’être humain. “Bottom lip/Inner peony/Consenting Japanese orchid” [librement : “Lèvre inférieure/Pivoine intérieure/Orchidée rare volontaire”] – ça paraît sensuel, mais elle parle de sa fille : c’est ce que tu représentes pour moi. Elle essaie aussi de façon brillante de déconstruire le stéréotype voulant que le rose soit pour les filles. C’était une pièce difficile à faire; il fallait trouver une façon d’intégrer un refrain alors qu’il n’y en avait pas, donc j’ai inventé des petits effets de voix que j’ai intercalés. C’est moi qui fais les chœurs et c’était amusant d’enregistrer 50 versions de ma propre voix pour créer cette chorale. » Glass Jar « Je me souviens du moment où mon père est mort. J’étais au pied de son lit et j’ai pensé : “Voilà, c’est fini.” Notre relation était très conflictuelle. Je sais qu’il m’aimait, mais ce n’était pas un homme facile à vivre. Je ne le comprenais pas, je ne le connaissais pas. L’alcoolisme est une chose terrible – pour la personne atteinte, pour les enfants qui ne comprennent pas et pour la femme qui essaie de tenir bon. C’est certainement la plus véridique des histoires racontées sur cet album. Quand la pièce a été terminée, je l’ai écoutée dans ma voiture pour savoir si je devais y ajouter des harmonies. Et là, je me suis mise à pleurer, pleurer, pleurer. Je me suis dit : “Tiens, on a mis le doigt sur quelque chose.” Je n’étais pas proche de mon père, mais je l’aimais, et je crois que beaucoup de gens savent de quoi je parle. »

Choisissez un pays ou une région

Afrique, Moyen‑Orient et Inde

Asie‑Pacifique

Europe

Amérique latine et Caraïbes

États‑Unis et Canada