Pionniers du rap hexagonal, portraitistes affûtés de la réalité sociale, Joeystarr et Kool Shen ont assuré en quatre albums et une dizaine de tubes leur place au panthéon du rap, et de la musique populaire française en général. Composé des rappeurs Joeystarr (Didier Morville, né en 1967) et Kool Shen (Bruno Lopes, né en 1966), tous deux originaires de Saint Denis (93), Suprême NTM marque les débuts du rap en France dans les années 1990 avec des morceaux puissants et réalistes, portant un constat d’urgence sur l’état des banlieues, le racisme structurel et les inégalités sociales dans la société française. Révélé en 1990 avec le morceau « Je Rap » sur la compilation Rapattitude, NTM explose quelques mois plus tard avec la sortie du maxi 45 tours « Le Monde De Demain », une chanson prophétique et revendicative (« Le monde de demain, quoi qu’il advienne nous appartient / La puissance est dans nos mains, alors écoute ce refrain ») sur fond de samples soul. Avec son premier album, Authentik (1991), et une flopée de tubes (« L’argent pourrit les gens, » « C’est clair », « Freestyle ») le duo effraie autant qu’il fascine, et impose son rap « conscient », ou « hardcore », auprès d’un vaste public, jusqu’à remplir le Zénith de Paris l’année suivante — une première pour un groupe de rap français. NTM (acronyme de « Nique Ta Mère » ou « le Nord Transmet le Message ») marie le flow lent, la voix rocailleuse et les punchlines offensives de Joey Starr au style lyrique et aux paroles plus mélancoliques de Kool Shen, en un parfait combo de hargne et de poésie. En 1993, ils enregistrent à New York 1993… J’Appuie Sur La Gâchette, deuxième album gonflé au gros son et aux titres polémiques, comme « Police » (« Véritable gang organisé, hiérarchisé / Protégé sous la tutelle des hautes autorités / Port d’arme autorisé, malgré les bavures énoncées ») ou « Pour Un Nouveau Massacre ». Souvent opposé aux « frères ennemis » marseillais IAM ou au rap poétique de Mc Solaar, NTM embauche de nouveaux Dj sur Paris sous les bombes (1995), propulsé par le hit « la Fièvre » et suivi d’une tournée triomphale. Mais c’est Suprême NTM, paru en 1998, qui est l’album de la consécration avec les classiques « That's My People », « Laisse pas traîner ton fils », « Seine-Saint-Denis Style » et « Ma Benz », triomphant malgré la censure de son clip sulfureux (diffusé seulement après minuit sur les chaînes musicales). Le duo se sépare au sommet, ne revenant sur scène qu’en 2008 pour cinq concerts à Bercy (immortalisés sur l’album live On Est Encore Là et en 2018 pour trois AccorHotel Arenas, complets quelques minutes après la mise en vente des places. « Authentique, authentique, NTM a su rester véridique / Semant la panique, défrayant la chronique / Le fléau s’installe, impose son touché digital » (« Authentik », 1991).