SPLIT

SPLIT

Un peu plus d’un an après la sortie de J.O.$., Josman revient avec un deuxième album placé sous le signe de la liberté créatrice. Le rappeur de 27 ans y développe ses thèmes habituels — le mensonge des apparences, les paradis artificiels, l’argent, le sexe — de 23 manières différentes, une pour chaque titre. Et si le concept de SPLIT tourne autour du dédoublement de personnalité, c’est un artiste entier, animé d’une vision artistique d’une grande cohérence, qui se confie à Apple Music. Tu as appelé l’album SPLIT, c’est une référence au film de M. Night Shyamalan, où le héros lutte pour réconcilier ses 23 personnalités ? Exactement, et j’ai basé tout le concept autour de ça. Sur la cover, on voit plusieurs moi, les bouts de verres brisés (comme sur l’affiche du film) et des trucs comme ça. Donc vraiment, c’est le rapport qu’on peut avoir avec plusieurs personnalités, et aux 23 exactement puisque dans SPLIT il y en a 23 — et autant de sons. Tu t’identifies à ce personnage ? Pour moi, c’est pas vraiment des personnalités, des identités à part entière, comme pour lui, mais je pense qu’en tant qu’humain, on passe tous par plein d’émotions et de sentiments différents. Et donc du coup, pour moi c’est surtout 23 moods musicaux, en fait. Mais ça reste moi. Et comme c’est toujours moi, il y a des morceaux qui ont des points communs, certains qui sont plus rappés, d’autres plus chantés, mais je pense que chaque titre a un mood différent. Il y a un thème qui revient souvent chez toi, c’est celui des apparences. C’est une obsession personnelle, ou tu penses que c’est le monde contemporain qui est comme ça ? Le monde contemporain, il est quand même rempli d’illusions. Et moi, ma personnalité, elle me pousse à essayer de distinguer le vrai du faux, ou qu’est-ce qui est futile et tout ça. C’est ce que tu cherches en écrivant ? Pas forcément en écrivant, mais dans la vie en général. Mais c’est vrai que comme j’écris ce qui caractérise mon quotidien, forcément on retrouve ces états d’âme-là. Est-ce que tu le retrouves dans certaines choses en particulier, ce côté factice ? Ouais, le rapport à l’image qui ne fait qu’augmenter avec les réseaux sociaux. Les gens ont tous une double personnalité avec ce qu’ils montrent sur les réseaux et ce qu’ils sont vraiment. C’est un exemple parmi tant d’autres, mais on cache souvent les vraies choses avec du beau, des bijoux, des vêtements, tout ça. Bon là, je parle beaucoup du rapport à l’image. Mais dans le monde en lui-même, on va privilégier, je sais pas, à la télé par exemple, le sport ou le divertissement, plus que l’information sur la réelle décadence du monde. C’est le cas dans la musique aussi ? Oui, c’est vrai qu’il y a ce rapport à l’image que j’ai évoqué, où il faut toujours être le plus beau, le plus riche. Et on en oublie qu’on est tous des êtres humains et qu’il n’y a aucun être supérieur. Moi en tout cas, c’est de ça dont j’essaie de m’éloigner. La solution, dans tes chansons, c’est souvent la fuite. On pense bien sûr aux psychotropes, mais aussi au sexe pour le sexe. Est-ce que finalement dans tous les cas, ce que tu cherches, c’est un exutoire ? Ouais, je pense que finalement mes trois moyens de m’évader c’est faire de l’argent, fumer de la drogue et le sexe. En vrai, argent drogue et sexe, c’est un peu ce qui pourrait nous éloigner de ce qui est « factice », mais les trois restent des exutoires. L’argent, ça permet aussi d’être plus libre, ça pourrait me donner les moyens de voyager et de m’éloigner de tout ça. Et en même temps, dans des titres comme « Bambi », tu parles du chemin parcouru, du fait d’être sans cesse en train d’apprendre, bref tu sembles paradoxalement assez optimiste, finalement. Ouais, mais justement : l’argent, la drogue et le sexe, ça peut être négatif seulement si on tombe dans l’outrance. Ça devient un problème surtout s’il y a pas de communication et si on se comprend pas entre humains. Mais sinon, je pense que faire de l’argent honnêtement, fumer sans être dans l’abondance, dans l’outrance, c’est OK. Le sexe... Je pense que ce qui compte, c’est surtout les bonnes rencontres et puis l’amour en soi, parce que même quand on parle de sexe sans amour, on parle quand même de deux êtres humains qui se rapprochent et qui se plaisent. Donc toutes ces choses-là, c’est pas forcément des trucs négatifs non plus. C’est que ton deuxième album, mais il est assez rétrospectif. Tu avais besoin de faire un point ? Pas vraiment. En vrai, je fais le point à chaque marche. Entre guillemets, si je monte l’escalier, à chaque fois que je franchis une longue marche, je regarde toujours derrière, je me retourne jamais complètement, mais j’essaie de garder l’œil sur le parcours déjà accompli pour pouvoir toujours avancer. Et là tu dirais que tu en es où ? Je dirais que je suis sur le bon chemin, mais encore loin du rivage [rires]. Tu as fait du chemin côté son, aussi. Tu as refait cet album en grande partie avec Easy Dew, c’est ça ? Comment fait-on durer une collaboration aussi longtemps ? Humainement, le truc c’est qu’Easy c’est mon ami avant d’être celui qui produit la plupart des morceaux, et donc forcément ça facilite les choses de ce côté-là. Avant qu’on fasse des sons ensemble on était déjà potes, alors c’est pas le genre de collaboration qui peut s’arrêter du jour au lendemain. Et après, on a tous les deux des goûts musicaux larges qui sont pas forcément proches, malgré ce qu’on pourrait croire. On écoute beaucoup de trucs, donc c’est facile de se renouveler parce qu’on a plein d’idées, d’imagination et d’inspiration. Après il y deux morceaux qu’on a travaillés avec deux musiciens : un sur « Je sais » [Clément Libes] et un sur « J’allume » [Miguel Lopes, à la guitare]. On n’en avait pas spécialement besoin mais ça nous semblait intéressant. De toute façon, ce qui était bien avec cet album, c’est que comme il s’agissait de 23 personnalités — je sais pas si elles sont assez distinctes, les auditeurs me diront — ça faisait 23 types de musique différents. Donc ce qui était bien pour préparer cet album, c’est qu’on pouvait faire un peu tout et n’importe quoi suivant ce qu’on aimait, et ce qu’on voulait faire. D’ailleurs il y a même un solo de guitare dans la version vidéo de « J’allume ». Le rock, le blues, ce sont des influences pour toi ? Moi, j’écoute un peu de tout. Je suis très sensible à la bonne musique. S’il y a un joli morceau de rock, bien joué et de bonne qualité, ça me parlera. Donc je me freine jamais. Après, ajouter de la guitare dans un morceau de hip-hop, c’est pas prendre un gros risque non plus aujourd’hui. Avant tout, je fais de la musique, donc pour moi c’est normal d’intégrer une guitare sur « Je sais » par exemple, parce que c’est un instrument majeur. Tu dis que tu ne t’es posé aucune limite sur cet album. Qu’est-ce que tu as fait d’inédit niveau son ? Peut-être le morceau « Je sais » justement. Je suis d’origine africaine et j’avais envie que ce côté de ma personnalité qui est attachée à ses racines s’exprime. Un autre morceau qui se détachait de l’ensemble, c’est « Fleur d’Amour », qui est très lumineux, presque naïf à côté du reste. Ouais, c’est un petit peu la pause légère. Je trouve que c’est le sourire de l’album. Sur mon premier projet, j’avais déjà fait un morceau un peu comme ça qui s’appelait « Narcisse », où c’était presque que du second degré. Mais quand je le fais, il faut que ce soit une respiration dans un projet parce que ça sera jamais mon thème de prédilection. Dans cet album, c’est un peu ça, cette petite touche de sourire et de légèreté. Comparé à ton album précédent J.O.$., sorti en 2018], tu as fait pas mal de featurings. Ça s’inscrit aussi dans cette démarche d’ouverture, de liberté ? Oui et non, parce qu’en vrai, à part le morceau avec Chilly, c’est des morceaux que j’avais déjà et où je savais à peu près ce que je faisais. Je savais où j’allais amener l’artiste qui allait venir dessus. Les morceaux, je les ai proposés déjà avec les couplets dessus, quasiment finis, il manquait que leur partie. Tu as écrit les morceaux en ayant ces personnes-là en tête ? Ouais, en tout cas à partir du moment où je leur en ai parlé. Quand j’ai proposé « Mauvaise Humeur » à Leto, je le voyais sur « Mauvaise Humeur ». Pour « Bitch » avec Hamza, j’ai imaginé le morceau avec lui en tête. Pareil pour Zed. Je savais que je faisais pas vraiment de faux pas, je savais qu’ils allaient coller facilement. Un peu comme un réalisateur qui a un acteur en tête quand il écrit son film ? Exactement. Moi en vrai, sur tout le projet de Josman, je suis carrément directeur artistique. En général, j’ai mon idée en tête et j’essaie de tout orienter de manière à ce que ça colle. C’est pour ça que je coréalise avec Marius [Gonzalez] et que j’ai une vision de ma musique. J’ai déjà mes idées de clips en tête quand j’écris un morceau. C’est un peu comme un réalisateur qui se dit cet acteur-là va être parfait pour tel rôle, il a cette mimique qui va coller direct avec le personnage. C’est exactement la même chose. Il y a des facettes que tu n’as pas eu le temps de traiter ? Évidemment, déjà dans mes projets d’avant, j’avais déjà différentes facettes où chaque morceau était un mood différent. Là, je voulais rassembler les 23 principales facettes au moment de la conception de cet album. Au final, est-ce que cet album t’as permis de recoller toutes les facettes de ta personnalité ? À l’inverse, connaissant ma palette artistique, j’ai voulu aller plus loin dans ce projet. Et justement, j’ai essayé de l’élargir encore plus. Je sais que je sais faire plein de choses et donc je voulais tout mettre dans ce projet. Le concept de cet album m’a permis de faire beaucoup de morceaux différents et que ce soit justifié.

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