Quand il est monté sur scène lors du gala des Headies (2019) – où il a remporté le trophée dans la catégorie Next Rated –, Rema a déclaré qu’il était « le futur ». Peu importe si ses mots étaient prophétiques ou un simple « pétage de bretelles », le musicien béninois a toujours tenu parole depuis. Exceptionnellement talentueux, Rema a joué un rôle clé pour faire de l’afropop un genre fluide et futuriste; une véritable mosaïque d’influences musicales combinant la frénésie du trap, le côté mélodique du reggaeton et les paysages sonores immersifs des films de Bollywood. Toutes ces influences se retrouvent sur son premier album, Rave & Roses, un bouquet de 16 pièces où il parle d’amour, de dépendance et de destin avec une précision chirurgicale. « Je vous jure que cet album a des atmosphères et des histoires très variées », explique Rema à Apple Music. « Même le processus d’enregistrement m’a donné différentes raisons d’aller en studio, des moments qui sont sortis de nulle part, mais toujours avec le même objectif. Je n’avais pas de plan clair sur papier et ça m’a permis d’aborder ce projet sans peur et sans pression. Chaque projet a un sens différent pour moi en dehors de l’histoire qu’il raconte, mais celui-là est comme un pont qui nous rapproche, mes fans et moi. » Sans jamais perdre de vue l’élan romantique qui est le fil d’Ariane de la majorité de Rave & Roses, Rema nous confie notamment qu’il croit au destin et pose un regard sur diverses dynamiques sociales en compagnie d’une brochette d’artistes, y compris le chanteur américain 6LACK, le rappeur britannique AJ Tracey et la chanteuse française Yseult. Rema (Divine Ikubor) nous guide dans l’univers de Rave & Roses, une pièce à la fois. Divine « Sur “Divine”, je parle de ma naissance, du processus de ma venue au monde. Ça raconte les difficultés, le stress, les angoisses et la douleur que ma mère a dû endurer pour que je voie le jour. Même avant d’être enceinte de moi, elle a éprouvé des ennuis, et je suis arrivé à un moment vraiment bizarre dans la vie de mes parents. J’ai passé 10 mois dans le ventre de ma mère, mais je ne lui ai jamais causé de souffrance. Elle était simplement super inquiète de savoir si j’étais vivant parce que je ne bougeais pas. Ça, c’est jusqu’à ce qu’elle tombe très malade et aille à l’hôpital. Le médecin a décidé de lui donner assez de confiance pour qu’elle pousse un petit peu. Elle a poussé un petit peu et ç’a été son accouchement le plus facile. Mon père lui a dit de choisir mon nom et elle a choisi Divine. J’ai vraiment essayé de condenser tout ça dans le premier couplet, mais le meilleur bout de la chanson, c’est quand je parle de tout le chemin parcouru par ce divin garçon. Faut bien que je me vante un peu! J’ai dû me battre avant même de venir au monde, alors je mérite tout ce que j’ai. » Hold Me (Rema, 6LACK) « Sur “Hold Me”, je parle d’un amour plein de maturité, d’une fille qui se fout du “paraître”, ce qui est très rare chez les jeunes de mon âge. Elle se fout qu’un mec la sorte au resto, lui paye des verres ou la couvre de cadeaux. Tout ce qu’elle veut, c’est quelqu’un qui l’aime et la respecte. Bref, c’est moi, la vedette, qui pose un regard sur une personne aux qualités très rares dans ma génération. Ça change rien pour elle que je sois célèbre. Tout ce qu’elle veut, c’est que je sois son homme et qu’elle soit ce véritable amour pour moi. Autrement dit, le titre exprime à quel point je me sens en sécurité avec cette femme. Au bout du compte, c’est ce que tous les gars veulent : des moments paisibles où on se sent en sécurité dans ce monde de fous. J’ai fait celle-là avec 6LACK et c’est un chef-d’œuvre. » Dirty « “Dirty” parle d’amour et de ces moments spéciaux que deux personnes partagent. Elle sonne pas mal comme “Soundgasm” [un simple paru en 2021]. C’est la suite l’histoire que je raconte sur “Hold Me”, c’est ce qui se passe après. La dernière phrase de la chanson dit simplement à quel point c’est bon d’être avec quelqu’un que t’aimes. » Calm Down « Pour “Calm Down”, j’étais avec du monde de l’académie Mavin et on vibait; on chillait. On est allés dans un des studios et [Andre] Vibez était là. Il a bien senti qu’on était pompés et qu’on avait envie de faire des freestyles sur des beats. Le lendemain, on enregistrait et j’ai raconté une fois où j’ai rencontré une fille dans un party. J’essayais d’attirer son attention et on pouvait pas se rendre aussi loin qu’on voulait, mais ç’a progressé, on s’est trouvé un coin pour s’enfermer et s’aimer. » Soundgasm « J’ai fait cette chanson le 14 février 2021, le jour de la Saint-Valentin. C’était une journée spéciale, mais même quand c’est congé, moi, je travaille. J’étais à l’hôtel, en fait. London et moi, on a juste cliqué pour cette pièce-là. » Time N Affection (Rema, Chris Brown) « Celle-là parle de tout le temps que tu consacres à quelqu’un que t’aimes et de tout ce que tu donnes à cette relation. C’est bien beau d’être en amour, de dépenser de l’argent, de baiser et tout ça, mais quand tu perds ton intérêt, ce n’est plus de l’amour. C’est perdu. Offrir ton temps, même si t’es super occupé, et accorder ton affection pour vrai prouve à quel point t’aimes quelqu’un. C’est de ça que ça parle. Chris Brown a fait son bout et ça rend la chanson vraiment spéciale. Je suis béni d’avoir sa voix sur mon album. » Jo « “Jo” est juste joyeuse. Quand on était en studio pour celle-là, j’étais vraiment de bonne humeur. “Jo” veut dire “danse” en yoruba. C’est un jam joyeux qui couvre l’aspect “Roses” du titre de l’album, qui fait référence à l’amour. » Mara « “Mara” parle du côté “addictif” et fou de l’amour. Tu deviens obsédé. C’est un autre niveau. Si t’observes l’ordre des chansons – tu pars de “Hold Me”, puis t’as “Dirty”, “Mara” et “Love” –, tu vois que l’amour est de plus en plus fort d’une pièce à l’autre. » Love « C’est vraiment un album sur l’amour. C’est “hype”, c’est l’amour. Voilà deux grands sujets, deux grandes fréquences à exploiter pour couler la marque Rema dans le béton. “Love” parle de l’amour et de tout ce que ça peut t’inspirer, mais aussi de la dépendance qui vient avec. C’est ma définition de l’amour. Je parle pas de “je suis en amour avec toi”. Je parle pas de “j’aime ceci ou j’aime cela”. C’est juste l’amour. C’est ma définition de l’amour et comment j’embrasse ma propre vie amoureuse. » Addicted « Sur “Addicted”, je parle d’une fille qui est accro à un certain style de vie, aux drogues, à la gloire, aux partys, à tout ce qui vient avec cette fausse vie, l’influence ou le parcours. Tout le monde a le droit de s’amuser, mais faut trouver un équilibre. Je connais une fille qui est allée trop loin et elle a fait une surdose de ce style de vie. Sur cet enregistrement, je dis que c’est pas bien du tout, parce qu’au niveau où j’en suis [dans ma carrière], je sais que je pourrais vivre cette vie-là dans le tapis, mais je me garde du temps pour relaxer et être en harmonie. Bref, sur celle-ci, je dis carrément à cette fille : “Yo, tu devrais trouver ton équilibre. Laisse-toi pas emporter par tout ça.” » Are You There? « “Are You There?” est un signal d’alarme. On chiale contre le gouvernement, mais on a lentement accepté ses conneries et on a tendance à l’ignorer et à en parler juste quand ça nous affecte directement. On se plaint des mêmes choses que nos parents. Là-dessus, je jase de certains problèmes qui nous touchent et j’exprime mes sentiments sur certaines difficultés de notre pays. Il se passe plein de choses en même temps : y a des gens qui meurent pendant que d’autres s’éclatent dans les clubs. J’ai décidé de m’en foutre. Je ne peux pas me concentrer juste sur ce qu’il y a de négatif dans notre pays. Ne me posez pas de questions là-dessus quand je suis à l’extérieur du pays et que je mène la grande vie. » FYN (Rema, AJ Tracey) « Là-dessus, je raconte l’histoire d’un jeune du Bénin qui a gravi les échelons en travaillant sans relâche pendant trois ans pour arriver à ce point que j’ai toujours su que j’atteindrais, celui où je peux dire que je suis le “fresh young n***a” [librement : le jeune “n***a” à l’air frais]. Quand je voyais mes grands patrons, à l’époque, c’est comme ça que je les appelais, des “fresh young n***as”. Quand je me suis rendu à ce niveau-là moi aussi, avec mon compte de banque bien garni, je savais que j’avais trimé dur pour y arriver et j’avais envie de m’en vanter un peu. J’essaie d’avoir les beats qui correspondent à là où je suis, quelque chose qui traduit le niveau dont j’ai envie de me vanter. Dans son couplet, AJ Tracey est absolument génial. Sa voix est idéale pour le beat et son débit est parfait pour le texte. » Oroma Baby «“Oroma Baby” est un jam. C’est juste une pièce dance qui rejoint le côté “Roses” de l’album. » Carry « Celle-là exploite pratiquement la même idée que ma chanson “Lady”. Je chante les louanges du corps d’une femme africaine et de tout ce qu’elle représente dehors comme dedans. » Wine [Rema & Yseult] « “Wine” est une chanson d’amour à moitié en anglais, à moitié en français. On essaie d’inviter les Français à nous rejoindre dans cette “vibe”. Yseult et moi, on a connecté profondément avec cette pièce-là. London [le coproducteur de Rave & Roses] s’est assuré que cette collaboration aurait lieu. J’avais à moitié fini la chanson et je l’ai comme oubliée. London a continué à travailler dessus et quand il est revenu avec cette piste de voix, j’étais comme : “C’est qui ça?” Il m’a dit : “Yo, c’est Yseult!” Je suis vraiment content qu’il l’ait fait entrer dans ma vie. » Runaway « Pour celle-là, je me suis inspiré de mes expériences avant de connaître la gloire. On vit dans une société où les gars se démènent, et vont jusqu’à te piquer ta blonde et tout le bataclan. Mon anxiété était dans le tapis et j’étais très nerveux d’avoir une aussi belle fille avec moi parce que j’étais cassé et que j’étais pas où je voulais dans la vie. Bref, sur “Runaway”, je dis à cette fille que je ne suis pas sûr que notre amour va pouvoir grandir ici. Je lui demande de se sauver avec moi pour qu’on puisse créer notre propre définition de l’amour. »