War Club

War Club

De l’aveu même de DJ Shub, il n’y avait pas de grand dessein derrière son premier album solo, intitulé War Club. Ce qui est une chose un peu bizarre à dire à propos d’un projet aussi épique contenant 19 chansons avec une imposante liste d’invités triés sur le volet, et dont le fil d’Ariane est le lien entre les luttes autochtones au Canada et le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis. Mais quand on a la réputation d’amener l’activisme sur la piste de danse, chaque projet a naturellement l’apparence d’une prise de position majeure. En tant que membre fondateur du collectif A Tribe Called Red, Shub (alias Dan General) a contribué à créer le powwow-step, une fusion très énergique de chants de cérémonies indigènes percutants et de rythmes blitz EDM dignes des grands festivals. Sur War Club, le genre musical sert de tissu conjonctif à un album à la fois imposant sur le plan des sonorités et politiquement chargé qui rassemble certaines des jeunes voix les plus féroces du hip-hop canadien (Snotty Nose Rez Kids, Phoenix Pagliacci), des icônes méconnues (le vétéran cri MC Hellnback, le guitariste apache Stevie Salas), des troupes de tambours traditionnels (Morningstar River), et même Randy Bachman de The Guess Who, qui se fait rappeur le temps d’une apparition. Oui, c’est bel et bien lui qui donne la réplique à Pagliacci sur le manifeste anti-armes à feu « Bullets ». Mais comme l’admet Shub, le cadre conceptuel de War Club a été élaboré bien après qu’il ait commencé à créer ces chansons. « Je travaille sur ces morceaux depuis 2018, et je n’ai pas réalisé que ça deviendrait un album avant de me rendre compte du nombre de pièces que j’avais », dit-il à Apple Music. « C’est à ce moment que m’est venue l’idée de les cadrer dans une histoire. Un “war club” est une arme ancestrale des Mohawks, un bâton avec un gros joint en bois au bout. Je voulais raconter l’histoire d’un jeune qui reçoit un tel bâton et qui doit maintenant l’utiliser en ces temps difficiles. Mais au lieu de l’utiliser de manière violente, il l’utilise à travers la musique ‒ la musique est son arme. C’est lorsque mes collaborateurs ont commencé à mettre leurs paroles sur mes chansons que la portée de tout ça m’est apparue. C’était l’un de ces moments magiques où je me suis dit : “Wow, c’est fantastique! C’est encore mieux que ce que j’avais imaginé.” » Shub nous explique comment il a recruté la première ligne offensive de War Club en nous présentant piste par piste les nombreuses collaborations qui pimentent son album. War Club (feat. Snotty Nose Rez Kids) « Ça fait longtemps que j’ai envie de travailler avec ces gars-là. Je leur ai proposé trois beats créés pour cet album en leur disant de choisir celui qu’ils préféraient et ils ont choisi les trois! Ils m’ont suggéré de combiner les trois pièces en une seule et d’en faire la déclaration d’intention du projet. C’est ce que j’ai fait et quand j’ai entendu leurs textes, j’ai été super impressionné. » The Social (feat. Phoenix Pagliacci) « L’échantillon que j’ai utilisé pour créer ce morceau est tiré d’une chanson sociale qu’on chante de temps en temps dans les réserves. Les communautés se réunissent, on chante et on joue du tambour ‒ c’est un peu notre façon de prendre des nouvelles de tout le monde tout en s’amusant un peu. C’est pour ça qu’on appelle ça un social. C’est l’idée que j’ai proposée à Phoenix : quand tu participes à un social, tu ne te soucies de rien d’autre que de ta communauté. Il faut que la communauté guérisse avant de pouvoir faire des vagues ailleurs. C’était mon concept de base et elle en a fait une bombe. Son texte m’a fait réaliser les similitudes entre les problèmes des autochtones et Black Lives Matter, et à quel point ils sont liés. Elle l’explique tellement bien dans la chanson. Ça permet aux gens de réaliser que nos luttes sont les mêmes partout. » Killa Soundboy (feat. Boogat) « Boogat est un ami de longue date et on a collaboré sur un morceau quand j’étais dans Tribe. C’est un artiste avec qui je clique. J’aime les artistes avec qui tu sais que tu ne passeras pas un moment frustrant : tu lui envoies un beat et tu sais qu’il va te retourner quelque chose de génial. Quand il m’a envoyé ce qu’il avait créé pour cette pièce, je ne comprenais rien, car il avait enregistré sa piste en espagnol, mais j’aimais vraiment ça quand même. On lui a demandé de nous faire parvenir son texte et quand j’ai lu ce qu’il avait traduit vers l’anglais, j’ai trouvé ça simplement génial, c’était exactement le sujet de War Club. Il parle d’être unis, de ne faire qu’un et comment on accomplit plus quand on est entouré de gens positifs. » Bullets (feat. Phoenix Pagliacci & Randy Bachman) « C’est grâce à Buffy Sainte-Marie que j’ai rencontré Randy ‒ j’ai donné quelques spectacles avec elle et on est de bons amis. Randy était à l’un de ces spectacles, on s’est mis à jaser et on est restés en contact. Il avait cette chanson, “Bullets”, qu’il a écrite il y a une trentaine d’années, et il avait commencé à collaborer avec Phoenix pour l’enregistrer. Ils me l’ont proposée et je leur ai dit que je pouvais certainement travailler avec ce que j’entendais. Randy Bachman qui fait ses premières pas comme rappeur, imagine! Il n’était pas sûr de vouloir que ce soit lancé publiquement, il a même songé à la lancer sous un autre nom. Mais on l’a convaincu que c’était absolument fantastique et qu’il devait utiliser son vrai nom. Quand Phoenix a couché son texte sur cette pièce, elle a pris tout son sens. La chanson est devenue vraiment cool. C’était la première fois que je travaillais avec Phoenix. C’est quand j’ai entendu “Bullets” que j’ai dit à Phoenix que j’avais une autre pièce pour elle, “The Social”. On peut donc dire que j’ai rencontré Phoenix grâce à Randy Bachman! » Shake Ya Bustle (feat. Hellnback) « C’est vraiment une chanson plus joyeuse et festive. Hellnback est un bon ami. C’est un des meilleurs rappeurs de la culture autochtone. Il a trouvé le “hook” et tout s’est mis en place. C’est une des premières pièces écrites pour War Club. Ça devait être le premier simple. On voulait la lancer durant l’été ‒ on n’avait pas prévu la COVID ‒, et quand le mouvement Black Lives Matter a repris de plus belle, on a décidé de repenser l’ordre du lancement des simples. » Back to the Land (feat. Jewlz) « Jewlz est ma femme. Pour le commun des mortels, ce sont ses débuts dans le monde du rap, mais on s’est rencontrés il y a 16 ans quand j’étais producteur et elle rappait déjà. C’est comme ça qu’on s’est connus : elle est venue me voir pour que je lui fasse des beats. C’est chouette comment la boucle est bouclée. Elle a écrit le rap pour ce morceau et j’ai improvisé ma piste de voix par la suite. On pourrait dire que c’est “notre” chanson. Je suis un homme de famille; je crois que c’est ce qu’il y a de plus important, et ce qui est cool avec ce projet, c’est que ma fille est la première chose que vous entendez sur cet album et on entend mon fils dans “Intermission”. Je tenais à ce que ma famille participe à cet album et que ce soit le reflet de qui nous sommes. » Fight for Your People (feat. Hellnback) « Je me suis inspiré de Run the Jewels pour celle-ci. C’est une de ces chansons où Hellnback parle vraiment des choses qui se passent au Canada, pour les gens qui ne se rendent pas compte de nos luttes actuelles et de tout ce que nous devons faire en tant qu’autochtones. Il frappe fort et ses jeux de mots sont incroyables. » Pow Wow Dub (feat. Stevie Salas) « Quand j’ai rencontré Steve la première fois, je n’avais pas la moindre idée de qui il était, de son histoire et du fait que c’est un artiste autochtone légendaire. C’est un véritable honneur de pouvoir maintenant dire que c’est mon ami. On s’est connus quand il est venu vers moi pour me demander de l’aider avec une vidéo qui devenait virale du groupe qu’il a au Japon. C’est à ce moment que je lui ai dit que j’avais une pièce sur laquelle j’aimerais avoir de la guitare, et il s’est immédiatement mis au travail. Son solo est mon passage préféré dans cette chanson. Bien des gens l’ignorent, mais c’est lui qui a écrit la musique du film L’excellente aventure de Bill et Ted, et dans cette pièce, il y a un bout où il sonne exactement comme la guitare déchaînée dans Bill et Ted. J’en ai eu la chair de poule tellement c’était cool! Randy Bachman y participe aussi, il joue des riffs au piano et d’autres trucs. » Redfoot (feat. Fawn Wood) « Cet album paraît agressif d’entrée de jeu parce qu’il essaie de faire passer le message, mais il faut arriver à l’étape de la guérison. En gros, l’album se divise ainsi : ce que nous devons faire, puis où nous voulons aller. La piste de Fawn s’insère parfaitement dans la fin. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’elle dit ‒ souvent ce ne sont même pas des mots ‒, mais quelle chanteuse fantastique! » Old School is for Lovers (feat. Morningstar River) « [Le chef cuisinier] Matty Matheson et moi, on est de bons amis depuis notre enfance. Il avait une émission de télé pour Vice, et dans un des épisodes, il visitait une réserve. Il m’a demandé si je pouvais créer de la musique pour cet épisode. J’ai fait ça à toute vitesse et on n’a même pas donné de titre à la pièce. Mon agent de l’époque a proposé “Old School is for Lovers” et je trouvais que ça sonnait bien. Je ne me suis pas posé d’autres questions. C’est une de mes pièces préférées parmi celles que j’ai écrites depuis un bon moment. Je voulais quelque chose de plus mélodique qui ressemble à une trame sonore de film. On a enregistré une partie de la chanson au studio OVO, à Toronto [en compagnie de Morningstar River]. C’était la première fois que des joueurs de tambours traditionnels enregistraient dans ce studio, c’était comme une bénédiction. Ils étaient huit et on a eu assez de place pour tout le monde! Les joueurs de tambours traditionnels n’ont généralement pas assez d’espace dans les studios d’enregistrement, mais il y avait toute la place nécessaire là-bas. »

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