Les murmures trahissent une intimité, comme une conscience partagée de quelque chose de sacré. Et 21 Savage, fervent partisan de l’ASMR dans le rap, utilise cette technique pour intimider et narguer, pour menacer et détruire. C’est littéralement par la violence que Shéyaa Bin Abraham-Joseph s’est initié au rap : il y vient après la mort de son meilleur ami (et ses propres blessures par balle) lors d’une fusillade survenue le jour de son 21e anniversaire. Sa musique est issue de la rue, rendue insensible à toute forme de tragédie. Son album Savage Mode, sorti en 2016 et entièrement produit par Metro Boomin, met en lumière le ton impassible du rappeur et son ambivalence à l’égard des récits qu’il tisse. Avec cet EP, 21 s’est imposé comme l’un des plus grands artistes du rap, son flow et les beats minimalistes de Metro donnant à la musique un caractère presque ambient. En poussant son style narquois à l’extrême sur « Don't Come Out the House » de Metro Boomin, 21 trahit sa volonté de se jouer de l’image qu’on a de lui. En 2018, avec I Am > I Was, il confirme qu’il ne se limite pas au style unique et envoûtant qui a fait sa marque de fabrique. L’album présente une grande diversité d’idées, privilégiant les tubes aux accents trap et les titres taillés pour les clubs, et renforçant l’influence de son flow singulier, qui s’amplifie année après année. S’il cachait autrefois son apathie derrière des ricanements, il nous berce aujourd’hui de ses murmures, comme dans un silence assourdissant.