Il faut faire un effort pour se rappeler que la bande de John Fogerty vient de la région de San Francisco et non du Sud profond, tellement l’imaginaire du chanteur et compositeur de « Born On the Bayou » aime se réfugier dans la chaleur humide des marais de la Louisiane. Le style qu’il donne à ses pièces, recette cajun originale faite de swamp rock, de Delta blues et de R&B, place celles-ci à l’écart du psychédélisme à la mode en Californie durant la courte période (de 1967 à 1972) où le groupe produit ses sept albums. La popularité de CCR se consolide alors que certaines de ses chansons (comme « Fortunate Son ») trouvent un écho avec les protestations de la jeunesse contre la guerre du Vietnam. Dès le premier album éponyme en 1968, les succès s’enchaînent et séduisent particulièrement les radios avec les mélodies accrocheuses composées par Fogerty. Mais une part de la renommée du groupe vient aussi de son talent pour donner une nouvelle vigueur à des chansons déjà existantes. Il revoit entre autres « Susie Q », une pièce rockabilly de 1957, et « I Heard It Through the Grapevine », une création de Marvin Gaye que la reprise de CCR transforme en une odyssée soul de plus de 10 minutes. L’année 1969 à elle seule est marquée par une prestation remarquable au festival de Woodstock et la parution de trois albums, qui contiennent des chansons devenues classiques comme « Proud Mary » et « Bad Moon Rising ». En 1972, épuisés par les tournées, les disputes internes et les conflits avec la maison de disques, les musiciens se séparent.