Nina Simone est l’une des musiciennes les plus originales, insaisissables et brillantes de l’histoire du jazz auquel elle est pourtant venue à contrecœur. Née Eunice Waymon en 1933 en Caroline du Nord, elle se destinait à une carrière de pianiste classique. En 1954, des circonstances économiques la persuadent d’accepter un concert dans un club d’Atlantic City et elle change de nom pour que sa mère ne découvre pas qu’elle joue « la musique du diable ». Simone se forge alors un style hybride et singulier qu’elle exploitera tout au long de sa carrière, abordant un répertoire toujours plus vaste de jazz, de folk, de blues, de soul, de pop, de rock, de musique classique et de gospel. Elle passe d’un genre à l’autre avec nonchalance mais autorité, personnalisant les paroles, les mélodies et les allusions dans un style précurseur du remix et qui révèle une musicalité sans limites. Une série d’albums pour Colpix, Philips et RCA l’établit comme une star majeure dotée d’une vision sans compromis. Dans les années 1960, elle enregistre plusieurs chansons à caractère politique, dont « Mississippi Goddam », une réponse enflammée au meurtre de Medgar Evers, militant pour les droits civiques, qui étend sa notoriété bien au-delà du public jazz. Dans les années 1970, elle passe de plus en plus de temps à se produire à l’étranger — réprimandant les audiences qu’elle ne trouve pas suffisamment engagées — tout en enregistrant moins de disques. On lui diagnostique un trouble bipolaire qui explique son comportement de plus en plus erratique. Malgré tout, la « grande prêtresse de la soul » continue de se produire jusqu’à sa mort en France en 2003.