Womb

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Le premier album officiel de Linnea Siggelkow, dite Ellis, met en lumière les qualités déjà présentes sur l’EP autoproduit en 2018 The Fuzz, en l’occurrence son art de semer des confessions intimes à travers une pop rêveuse, lumineuse et carillonnante. Sur Born Again, les sonorités se font plus lustrées, tandis que l’écriture de l’Ontarienne d’Hamilton se révèle encore plus franche. Même si certaines chansons lui ont été inspirées par sa relation avec son mari Brandon Williams (membre du groupe punk Chastity, de Whitby en Ontario), Born Again est moins un cliché de bonheur conjugal qu’une chronique des angoisses et de l’insécurité qui ternissent toute relation naissante, et une purge des blessures passées qui les nourrissent. « Je traverse une période de transition », révèle Siggelkow à Apple Music. « Je viens d’avoir 30 ans, et je réfléchis à tout le chemin que j’ai parcouru pour en arriver là, au propre comme au figuré. Je fais table rase avant d’entamer un nouveau chapitre de ma vie. » Siggelkow explique comment elle s’y est prise en nous guidant pièce par pièce. Pringle Creek « Pringle Creek est un ruisseau qui traverse Whitby et il y a un sentier qui le longe près de la maison où Brandon a grandi. On allait marcher là-bas quand on avait besoin de discuter de choses sérieuses. Je pensais au fait qu’on achète des fleurs en sachant très bien qu’elles faneront et qu’on finira par les jeter à la poubelle. Je me demandais si tout ce qui avait un début avait aussi forcément une fin. C’est une question qui revient souvent quand on est en couple, et pour affronter ce genre d’interrogation, aller me promener du côté de Pringle Creek m’a fait le plus grand bien. » Born Again « J’ai eu une enfance très religieuse jusqu’à la fin de mon adolescence. La religion faisait tellement partie de moi que lorsque je m’en suis éloignée, j’ai perdu tous mes repères. Il a fallu que je me redécouvre. Le terme “born again” a une connotation évangélique, bien sûr, mais j’essaie de lui conférer un sens non religieux. J’ai l’impression d’avoir vécu une renaissance, parce que j’ai dû me réinventer et vivre un tas d’expériences significatives pour construire ma nouvelle identité et modifier ma vision du monde. La perte de mon ancienne identité m’a anéantie, mais en même temps, j’étais attirée par la perspective de cette toute nouvelle liberté. En m’aventurant dans un monde qui m’était parfaitement inconnu, j’ai fait des choses que je m’étais juré de ne jamais faire, et j’ai fini par me sentir plus seule que jamais. J’essaie de trouver ma voie, mais c’est un parcours semé d’embûches. » Shame et Embarrassing « J’ai longuement réfléchi à ce mouvement de balancier dans ma vie. Soit je culpabilise pour tout, soit je n’ai absolument aucun remords. Où est l’équilibre dans tout ça? “Shame” décrit le sentiment de honte que j’ai éprouvé alors que je n’aurais pas dû, parce que je n’avais pas le contrôle de la situation, je n’étais pas responsable. Et dans la chanson “Embarrassing”, je me reproche exactement le contraire, je reconnais avoir mal agi, mais j’étais trop fière pour l’admettre. J’ai failli appeler cette pièce “Shame II”. » March 13 « Le piano est mon premier instrument et j’ai entièrement composé cette chanson au piano. Au moment de l’enregistrer, je voulais qu’elle reste telle quelle — une petite valse simple et dépouillée. Je ne compose pas souvent dans cette mesure, c’est une pièce un peu à part, je trouve qu’elle fait un joli interlude sur l’album. Son thème succède bien à “Embarrassing” parce que ça correspond à une époque peu reluisante où j’ai placé quelqu’un dans une situation inconfortable sans accepter de voir les choses en face. » Fall Apart « On est parfois obligé de vivre sa vulnérabilité et son anxiété aux côtés d’un proche. Cette personne nous voit dans cet état, et c’est correct, mais en même temps, on préférerait être seul. Ça peut devenir compliqué d’être très proche de quelqu’un alors qu’on n’est pas au sommet de sa forme. » Happy « L’an dernier, j’ai lu un article au sujet des idées suicidaires, ça disait simplement que c’était une chose très courante. C’était vraiment rassurant. Penser à ces choses ne fait pas de nous quelqu’un d’ignoble. Je me suis sentie coupable chaque fois que mon esprit s’aventurait de ce côté, parce que je suis privilégiée, j’ai une famille et des amis qui me soutiennent. Mais il est bon de reconnaître que ce n’est pas toujours rationnel et qu’il ne faut pas être trop dur envers soi-même. L’expérience humaine n’est pas simple, on fait ce qu’on peut. » Into the Trees « Cette chanson parle du fait de se sentir loin de quelqu’un parce qu’on passe beaucoup de temps séparés. J’ai dû apprendre à être bien toute seule, et à surmonter la tristesse d’une façon saine. Mais j’ai eu parfois l’impression de ne pas en faire assez, ou au contraire d’en faire trop. Je ne sais pas comment composer avec la distance, je me dis que je ne suis pas faite pour ça. C’est peut-être la plus ancienne des chansons de l’album sur le plan des paroles. Je l’ai retravaillée à une époque où j’allais moins bien. Je crois que j’ai fait des progrès, mais c’est une sensation qui m’envahit encore parfois. » Saturn Return « J’adore l’astrologie, et j’ai découvert le phénomène du “retour de Saturne” récemment. C’est quand Saturne fait un transit dans le signe où elle se trouvait le jour de notre naissance. Sa trajectoire complète dure environ 30 ans, mais les dernières années de la vingtaine coïncident avec ce moment clé du retour de Saturne, donc on peut vivre une profonde métamorphose, avoir soudain besoin de se faire pardonner, de faire table rase du passé et se préparer à vivre un nouveau chapitre de sa vie. Ça m’a vraiment touchée parce que ma vie personnelle a changé, comme ma vie d’artiste. » Zhuangzi’s Dream « Zhuangzi est un philosophe de la Chine ancienne qui a écrit une parabole intitulée “Le rêve du papillon”, une célèbre allégorie taoïste sur la transformation spirituelle : il rêve qu’il est un papillon, et en s’éveillant, il se demande s’il n’est pas plutôt un papillon qui rêve qu’il est un homme. J’ai lu ça en cours de philo, au secondaire, et je me souviens d’avoir pensé : “C’est complètement stupide.” Mais j’y ai souvent repensé récemment, et j’ai trouvé ça magnifique et riche de sens. Ça m’a ouvert les yeux, j’ai réfléchi au chemin parcouru depuis le secondaire, à toutes ces choses que je tenais pour acquises et qui étaient fausses finalement. J’ai appris à accepter la défaite et à me donner la chance de revisiter des choses que je trouvais ridicules par le passé. Je pense que c’est une preuve de maturité. Et puis, une métaphore de papillon, c’était un joli symbole pour cet album. »

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