Weird Ones

Weird Ones

Matt Holubowski avoue d’emblée qu’il n’est pas quelqu’un de très bizarre, de prime abord. « Je suis un gars normal, poli, qui a été bien élevé par de bons parents », confie l’auteur-compositeur-interprète montréalais à Apple Music. Toutefois, en tant qu’artiste, il a toujours été attiré par de grands excentriques, tels Bowie, Dylan et Waits, et Solitudes, paru en 2016, laissait entrevoir un côté plus aventureux derrière son formalisme folk. Le troisième album de Matt Holubowski prouve qu’il a bel et bien embrassé le marginal qui sommeille en lui. « Quand j’ai commencé à faire de la musique, j’étais un peu frustré par le fait que je n’étais pas aussi décalé et excentrique que ces artistes-là, dit-il, mais en fin de compte, j’ai réalisé qu’il y avait quelque chose de bizarre dans ma façon de penser et de voir le monde. Weird Ones est comme une forme de réconfort pour moi et pour tous ceux qui aiment ce qui est différent, mais qui ne l’expriment pas ouvertement. » Tout comme son album précédent, l’écriture très terre à terre de Weird Ones contredit en quelque sorte les grandes ambitions de Matt Holubowski, bien que cette fois-ci, il veut définitivement rester fidèle à lui-même. À titre d’exemple, « Thoroughfare » ressemble d’abord à une sérénade pastorale romantique avant de prendre un virage plus sombre, tandis que l’introspective « Down the Rabbit Hole » se transforme graduellement en tourbillon d’instruments à cordes. « Cet album évoque une période intense, fascinante et tumultueuse de ma vie au terme de laquelle je me suis réveillé, dans le calme après la tempête, en me demandant quelles parties de tout ça étaient vraies et lesquelles ne l’étaient pas. » Voici un guide pièce par pièce qui vous aidera à y voir plus clair. Weird Ones « J’habite à côté de la maison de Leonard Cohen, et je passe devant tous les jours. Elle est juste en face du parc du Portugal sur le boulevard Saint-Laurent, et je chante : “I walk by Leonard’s house and wonder/And I lay low for hours to feel the glow of Portugal” (librement : “Je marche près de la maison de Leonard et je réfléchis/Et je relaxe quelques heures pour ressentir la splendeur du Portugal”). Plusieurs chansons de l’album me sont venues alors que j’étais assis dans ce parc avec un café, un bloc-notes et un crayon. C’était un refuge, en quelque sorte. Le fait que la maison de Leonard était juste derrière moi relève plus de la coïncidence; j’ai toujours aimé sa musique, mais je n’allais pas là pour ça. » Two Paper Moons « C’est cette chanson qui est à la source de mon désir de rendre l’album un peu plus surréaliste. Je lisais le roman 1Q84 de Haruki Murakami, et il aborde le thème d’un monde parallèle identique au nôtre à quelques petites différences près, dont le fait qu’on y trouve deux lunes. La chanson a un côté romantique, mais il y est surtout question de la dichotomie entre la béatitude de l’ignorance et le côté plus sombre de la réalité. Elle est en partie inspirée de la vie de tournée – où l’alcool coule à flots – et des implications d’être constamment en mode festif. Vient un moment où on se dit : “Je n’ai pas envie d’aller à ce party et je ne veux plus boire. Je ne me sens pas bien.” Et aussitôt qu’on se sent mieux, on se remet à boire. C’est un cercle vicieux. » Thoroughfare « Au départ, c’était une chanson d’amour; un sujet que j’ai longtemps refusé d’aborder. C’est devenu impossible pour moi de l’éviter parce que je vivais une séparation vraiment difficile. C’est là que j’ai eu l’idée de faire de cette chanson un “flashback” avec cette image d’une fille magnifique qui marche dans un couloir et que je suis; je voyais ça avec un côté onirique. Mais quand arrive le refrain et que ça vire au cauchemar, on réalise que le rêve est terminé. » Around Here « Sur celle-là, je parle d’un endroit où je me rends quelques fois par an depuis les 10 ou 15 dernières années. Il est situé au sommet d’une montagne près de mon ancienne école secondaire. Mes amis et moi allions toujours à cet endroit quand on vivait une situation de crise ou un changement dans nos vies dont on voulait discuter pour prendre une décision. Quand on redescend de là, on a trouvé une solution. Peu importe ce qui arrive, c’est notre refuge. J’ai tendance à aborder des sujets sombres, mais cette pièce est plus légère, car je parle d’un endroit où je suis en paix. » Down the Rabbit Hole « Celle-là parle de cette étrange sensation quand on est sur scène et qu’on voit tous ces gens qui écoutent chaque mot qu’on prononce et chaque note qu’on joue, cette impression d’être dans une autre dimension. C’est euphorique, mais ça ne dure qu’une heure et demie. Et l’image qui suit, c’est moi, seul à la maison en train de faire du lavage. C’est un contraste très intéressant à vivre que d’exister dans ces deux réalités totalement différentes. » The Highlands « J’ai étudié en science politique alors j’ai toujours écrit de manière très rationnelle sur des sujets très précis et concrets, mais j’avais vraiment envie de pondre quelque chose d’éthéré et de fictif – une histoire dont je ne ferais pas nécessairement partie. C’est ma première tentative de produire un texte plus fantaisiste. Je lisais plein d’ouvrages sur la mythologie islandaise et la littérature nordique au moment de l’écrire. » Weird Ones II « Le passage qui dit : “It’s been a strange day, but I wouldn’t want it any other way” (librement : “Ce fut une journée étrange, mais je n’aurais pas voulu qu’elle se passe autrement”) résume parfaitement le thème de l’album. On a enregistré cinq ou six versions de “Weird Ones” et on a décidé d’inclure mes deux préférées. » Eyes Wider « Cette pièce parle de pardon. J’ai tendance à être vraiment très dur envers moi-même. J’essaie de faire de mon mieux, peu importe la situation, mais il arrive que je me trompe, et parfois c’est de ma faute et je n’y peux rien. Mais à travers toutes ces situations, j’ai fini par admettre que je devais me pardonner mes échecs. Chaque fois que je joue cette chanson, ça me rappelle de ne pas être si dur envers moi-même. Il ne faut pas s’attarder sur ces choses; on doit aller de l’avant et apprendre de nos erreurs. » Greener « On me dit souvent à quel point je suis chanceux de faire ce métier. Je sais que je suis privilégié que les gens s’intéressent à ce que je fais, et je ne tiens rien pour acquis! Malgré tout, il y a quand même des jours où je me dis : “Je n’ai vraiment pas envie de faire ça, là. Tout ce que je veux, c’est me rouler en boule.” On voudrait prendre un congé de maladie, mais c’est impossible parce qu’il y a 300 personnes qui ont acheté un billet pour nous voir sur scène. Et si on a le malheur de se plaindre, les gens nous rappellent très vite à l’ordre en nous disant à quel point on est chanceux de faire ce métier. Tout ça fait qu’on se retrouve dans une position où on aimerait être comme tout le monde et avoir la possibilité de disparaître, tout simplement, ne serait-ce que pour une minute. » Moon Rising « Tout ça a commencé à la blague… Entre mon ex et moi, le fait que je devais planifier le temps qu’on passait ensemble en raison de mon horaire chargé était un point de friction. Il fallait carrément que je l’inscrive à mon agenda, ce qui est plutôt nul à faire avec une personne que vous aimez. C’est devenu extrêmement frustrant et chaque fois, on devait se poser la question : “Quand se voit-on la prochaine fois pour passer un peu de temps ensemble?” Je devais prendre mon téléphone et consulter mon horaire afin de lui répondre : “OK, j’ai deux petites heures ici et une heure là.” C’est véritablement devenu le symbole de la douleur et de la difficulté de cette relation, alors j’ai voulu peindre cette image d’un calendrier qui brûle. J’ai tenté de ne pas utiliser d’agenda pendant un moment, mais c’était le chaos, alors je n’ai pas eu le choix d’y retourner! » Mellifluous Flowers « Celle-là n’a pas été facile; je ne suis jamais allé dans des zones aussi sombres et j’espère ne jamais y retourner. Je parle des deux côtés de ma personnalité : je peux être ce gars très extroverti, insouciant et amusant qui aime être en compagnie des autres, mais je peux aussi être quelqu’un de morose et d’introverti qui a besoin d’être seul. Je réfléchissais au fait que quand je me sens vraiment bien, j’ai de la difficulté à écrire de la musique, car un vaste pan de mes créations vient de mon côté sombre, tandis que mon côté joyeux ne ressent pas le besoin de s’exprimer en chanson. J’ai donc commencé à m’inquiéter du fait que si j’étais trop heureux, je ne serais plus capable d’écrire. C’est là que j’ai réalisé que mon côté morose est là pour de bon, et cette phrase est ma façon de l’accepter : “I guess I’ll hold onto my mellifluous flowers” (librement : “Je vais accepter et embrasser mon côté fleur mellifère”). » Love, the Impossible Ghost « J’ai écrit ce morceau et “Mellifluous Flowers” au même moment l’an dernier. Je venais de terminer ma tournée et j’étais vidé, alors je me suis loué un appartement à Cracovie, en Pologne, et je suis resté là pendant deux mois à écrire des chansons. Ma famille vient de la Pologne et la résilience qui semble être dans l’air là-bas a imprégné ces deux pièces. Elles sont devenues des symboles de ma décision de reprendre le contrôle de ma vie, mais de manière paisible. J’avais envie de créer une atmosphère onirique où il est facile d’oublier que l’on écoute une chanson; on a l’impression de flotter sur un nuage et on fait abstraction de tout. C’est très méditatif. C’est un album qui peut être difficile, par moments, alors je tenais à ce qu’il se termine sur une note simple et paisible. »

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