« Almost everyone that I love has been abused and I am included » [librement : « Presque tout le monde que j’aime a été victime d’abus, et je m’inclus là-dedans »], chante Arlo Parks avec une honnêteté désarmante dans les premiers instants de son deuxième effort, My Soft Machine. Presque du même souffle, elle ajoute : « The person I love is patient with me/She’s feeding me cheese and I’m happy » [librement : « La personne que j’aime est patiente avec moi/Elle me donne du fromage et je suis heureuse »]. Elle établit ainsi le ton de cet album qui montre autant la lumière du coup de foudre que des racoins plus obscurs. « Le concept au cœur du projet est la réalité et les souvenirs vus à travers mes yeux et ressentis par mon corps », a-t-elle confié à Apple Music. « De la perte de mon innocence aux flashbacks de traumatismes, en passant par toutes ces nuits perdues dans Koreatown à chercher des premiers baisers dans des bars miteux et sombres, c’est l’histoire de ma vie. » Tout ça est bien entendu raconté avec la poésie et le lyrisme digne d’un journal intime qui ont conféré un caractère si exceptionnel à Collapsed In Sunbeams (2021), propulsant par le fait même Parks au rang de « voix d’une génération ». L’artiste se donne aussi la liberté d’élargir sa palette indie pop en y ajoutant des touches de synthés, des guitares un peu crottées (sur « Devotion », un des moments les plus électrisants et inattendus de l’album), du jazz, de magnifiques harmonies vocales (en compagnie de Phoebe Bridgers sur « Pegasus »), de la musique électronique et d’autres choses encore. Cela s’explique en partie, croit-elle, par l’équipe dont elle s’est entourée et qui lui a permis d’être plus « fluide ». Pour My Soft Machine, elle a notamment travaillé avec Romil Hemnani, producteur de BROCKHAMPTON, le prolifique auteur-compositeur et producteur américain Ariel Rechtshaid et Baird, un collaborateur de Frank Ocean. « La communauté qui s’est très naturellement organisée autour de ce projet, c’est ce que j’ai préféré dans tout le processus », a-t-elle dit. « Je pense que ça dégage beaucoup de confiance. Il y a de l’ampleur et de l’énergie. Ça ressemblait plus à de la sculpture qu’à l’approche plus instinctive et immédiate de la création d’un album. J’en suis très fière. » Parks nous invite à découvrir pièce par pièce My Soft Machine, y compris les trois chansons exclusives de cette édition Apple Music. Bruiseless « Cette chanson parle de l’insouciance et de l’abandon de l’enfance, et des soucis qui arrivent quand on la quitte. J’ai été inspirée par une conversation que j’ai eue avec [le poète américain] Ocean Vuong. Il m’a raconté qu’il essaie toujours de revivre la joie pure qu’il ressentait en montant la côte à vélo pour se rendre chez son ami, avant de le laisser par terre avec les roues qui tournent encore et de se précipiter vers la porte – la douceur et la beauté de ce genre d’instant. » Impurities « J’ai écrit ça la première fois que j’ai rencontré mon cher Romil, de BROCKHAMPTON. Avec mes ami·es, on se promenait d’un party à l’autre et chaque fois qu’on appelait un Uber, c’était une Cadillac Escalade qui arrivait. On trouvait ça hilarant. Bref, ça parle simplement d’être heureuse et de se sentir véritablement acceptée. » Devotion « Romil, Baird et moi, on s’en allait dans un café du district des arts de L.A. qui s’appelle Maru. On était dans la Suzuki Vitara de Baird, que j’ai surnommée la “Fusée rouge”, et on écoutait “17 Days” de Prince dans le tapis. Pendant ce petit trajet de 15 minutes, on a décidé une chose ensemble : qu’on allait accepter le drama à bras ouverts et qu’on était un groupe rock pour le reste de la journée. » Blades « Quand je parle de la scène de l’aquarium dans Romeo + Juliet [Roméo et Juliette] de Baz Luhrmann, je fais référence à l’idée de regarder une personne qu’on connaît super intimement en ayant l’impression que quelque chose d’imperceptible a changé. Comme si on se regardait à travers l’eau de l’océan ou une vitre obscure. » Purple Phase « Les guitares qu’on entend sur cette chanson sont jouées par Paul [Epworth, le producteur britannique qui a également travaillé sur Collapsed In Sunbeams] et moi. On improvisait. C’était la dernière journée d’une longue semaine de travail. On se sentait libres, connectés, on avait les idées très claires à cause de la fatigue. On aurait été incapables de suranalyser même si on avait voulu. Ma phrase préférée parmi tout ce que j’ai écrit dans ma vie est là-dessus : “I just want to see you iridescent charming cats down from trees/Mugler aviators hiding eyes that laugh when concealed” [librement : “Je veux juste vous voir, charmants chats iridescents, descendre des arbres/Des lunettes d’aviateur Mugler cachant ces yeux rieurs lorsqu’on ne les voit pas”]. » Weightless « “Weightless” a été un moment décisif dans la création de cet album. C’est à ce moment-là que je me suis sentie complètement émancipée de Collapsed In Sunbeams. Tout était possible, Paul [Epworth] et moi, on dansait comme des fous en riant. Elle est très spéciale à mes yeux et elle m’a donné énormément de confiance en matière de création. » Pegasus (feat. Phoebe Bridgers) « Évidemment, “Pegasus” met en vedette l’adorable Phoebe [Bridgers]. L’inspiration pour le beat un peu dansant, d’abord minimal puis lumineux, vient de “White Ferrari” de Frank Ocean, “Talk Down” de Dijon et “Grieve Not the Spirit” d’AIR. C’est la première chanson que j’ai écrite avec autant de candeur sur le fait d’accepter qu’une personne peut être juste incroyablement gentille. » Dog Rose « Le démo original de ce morceau a été enregistré dans une chambre d’hôtel à Toronto. J’ai eu l’idée du riff du refrain pendant que j’étais au lit à 3 h du matin et il me rendait complètement folle. Je me suis levée, j’ai couru une quinzaine de coins de rue en traversant des parcs et des ponts juste pour aller chercher ma guitare dans le bus de tournée et enregistrer cette idée. C’était très dramatique. » Puppy « Ça faisait longtemps que j’avais envie d’utiliser cette cadence mi-parlée, mi-mélodique dans le genre d’“In My Room” de Frank Ocean, et j’étais super contente d’avoir réussi. L’instrument un peu fuzzy qui ressemble à une guitare est produit avec le petit synthé du [producteur] Buddy [Ross]. On essayait de reproduire l’énergie de Loveless [un album de my bloody valentine]. » I’m Sorry « Sur celle-là, Garrett Ray, qui est musicien de tournée pour Vampire Weekend, joue la batterie et David Longstreth, [le chanteur principal et guitariste] de Dirty Projectors, joue la guitare. Sculpter la bonne ambiance sonore pour cette chanson a pris ce qui a semblé être des années, mais c’est sans aucun doute ma pièce préférée de l’album côté texture et ressenti. » Room (Red Wings) « “Red Wings” fait référence à l’Autobiography of Red [Autobiographie du rouge] d’Anne Carson. Le personnage principal a des ailes rouges uniques et sa vie familiale est tumultueuse. Il trouve du réconfort dans la photographie et tombe follement amoureux d’un homme qui s’appelle Héraclès. La nature fragile et déchirante de ce livre est comme un reflet du côté écorché de la chanson. » Ghost « C’est la plus vieille chanson du projet. Son démo remonte à l’hiver 2020, quand je l’ai enregistré dans ma chambre d’enfance. Au cœur du texte, il y a ce désir d’embrasser l’aide qu’on t’offre, le contact humain, le fait d’apprendre à ne pas souffrir seule et à laisser les gens entrer dans ta bulle. » Chansons exclusives de l’édition Apple Music Mystery of Love « Sufjan Stevens est mon parolier préféré de tous les temps, avec quelques autres. La douceur et l’aspect éthéré et angélique de cette chanson me mettent les larmes aux yeux chaque fois. » Blades (Acoustic) « Réduire celle-là à sa plus simple expression, ça met vraiment en évidence à quel point je suis blessée et perdue dans mes pensées. C’est la quintessence de cette chanson. » Dog Rose (Acoustic) « Cette pièce a été conçue pour être chantée en version acoustique avec toutes les émotions de ta vie, comme quand t’as 17 ans et que t’es éperdument en amour. C’est son expression la plus pure, on pourrait dire. »